C’est peut-être parce qu’il savait que ses Journaux paraîtraient bien après sa mort qu’August von Platen ne les a pas chargés d’effets littéraires, n’a pas limité les confessions, les égarements ni tu les passions inavouables de sa vie. Né en 1796, mort en 1835, le poète allemand rédigea ces volumineux Journaux de 1813 jusqu’à ses derniers jours. Sa vie a inspiré Thomas Mann pour le personnage du jeune adolescent de Mort à Venise. L’homosexualité d’August von Platen est une douleur lancinante qui traverse ces pages et montre bien dans ce romantique déchiré les conflits entre des amours interdites et les conventions d’une société. Mais les Journaux de von Platen ne sont pas seulement l’histoire d’une « tendance », c’est une suite d’impressions, d’aveux qui cherchent dans l’écriture intime un soutien aussi effectif que l’amitié.
Dès 1813, on sent l’homme, par ses passions et ses impulsions, condamné à l’errance et à la souffrance. À travers ses déplacements en Allemagne et surtout, à partir de 1826, sa vie en Italie, August von Platen note, retranscrit dans un mélange de désespoir et de sincérité, sa découverte de Rome, Naples ou Venise, ses lectures, ses soirées, ses promenades, ses rencontres avec Goethe, Jean Paul, Leopardi ou le sculpteur Thorvalsden. Insatisfait de sa création poétique, dans un doute permanent sur sa vie, il s’applique à témoigner, jusqu’à « construire » un journal, véritable mémorandum de la vie culturelle d’une partie de l’Europe, même s’il est difficile d’en extraire une citation tant le propos n’est ni descriptif ni aphoristique.
August von Platen est bien plus intense dans ses Odes italiennes : tous les éléments d’un savoir et d’une expérience sont ici transfigurés par une écriture lyrique exceptionnelle : « ô bienheureux l’homme, s’il en fût jamais un, qui/ Passa la nuit dans la paix, et chacun de ses jours,/ Satisfait de la rose et du printemps,/ Et le cœur rafraîchi d’amour ! » Dans ces poèmes écrits dans l’admiration des villes italiennes et de leurs artistes, August von Platen s’adresse aux amis avec un souffle qui renoue avec les classiques et les maîtres de l’antiquité, une idée du Beau et du Noble qui donne par la poésie ce que l’homme rêva d’atteindre dans sa vie.
Marc Blanchet
Journaux
et Odes italiennes
August von Platen
Traduits de l’allemand par
D. Le Buhan et E. de Rubercy
La Différence
914 et 152pages, 250 et 98FF
Poésie Von Platen le romantique
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Marc Blanchet
Des livres
Von Platen le romantique
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.