Le Poids et la voix se fonde sur une série d’enquêtes menées depuis une quinzaine d’années par Nadine Vasseur pour France-Culture (où elle anime en alternance Le Panorama) sur des sujets tels que la kleptomanie, les changements d’état-civil ou les prisonniers qui suivent des études.
Sous prétexte de partager une révélation -toutes ces investigations entretiendraient avec la biographie de l’auteur des correspondances que lui-même mit longtemps à discerner- notre écrivain verse malheureusement à longueur de page dans une psychanalyse de coiffeur pour dames. En chaque occasion où l’ouvrage manque revêtir un semblant d’intérêt, Nadine Vasseur entreprend de tirer ses lecteurs par la manche afin d’attirer à nouveau leur attention sur son propre cas : sa kleptomanie et son anorexie passées, les relations avec son père… et leur asséner quelque vérité horizontale : « Être à la fois anorexique et kleptomane, alors qu’est-ce que c’est ? C’est peut-être jouer à cache-cache sans fin avec cet obscur objet du délit, du désir. »
De crainte qu’elles ne s’envolent, toutes ces paroles radiophoniques se trouvent lestées d’un surcroît de signification, au prix de raccourcis sans cesse plus acrobatiques. Ainsi, les curieuses habitudes alimentaires d’Alain Schiffres (« Ce que j’aime surtout c’est l’agglomération des restes (…) : un bout de fromage avec un bout de jambon, avec une sardine… ») mènent droit au séjour du père de l’auteur dans un camp de la mort : « Une trace de sauvagerie ou notre part nocturne (…). Y a-t-il un envers de l’homme qui le fasse autre chose qu’un homme : bête sauvage pour les bourreaux, bête traquée pour les victimes. Un animal ? Mon père. » La charité impose de passer sous silence d’autres enchaînements tout aussi baroques, parfois empreints d’un humour bien involontaire.
Nadine Vasseur confond d’évidence la rédaction d’un livre avec une séance chez le psychanalyste et s’en remet à l’association des idées au détriment de leur mise en forme, sans jamais trouver sa voix entre une prose trop scolaire et des tics de langage lacaniens.
Cet essai permet de mesurer la distance qui sépare l’ « écriture » du « babillage », pour reprendre la distinction de Roland Barthes.
Le Poids et la voix
Nadine Vasseur
Le Temps qu’il fait
184 pages, 110 FF
Domaine français La pesanteur et les vocalises
décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18
| par
Eric Naulleau
Un livre
La pesanteur et les vocalises
Par
Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°18
, décembre 1996.