Voici un livre qui devrait renvoyer bon nombre d’autobiographes au silence. Ici, pas d’anecdotes ni de potins, pas de psychologie de cafés du commerce. René Pons, dans une prose qui a dû longtemps flirter avec la poésie, arrache le masque affable qui fait de tout homme un être fréquentable. D’une cruauté exemplaire, et avec une colère bienvenue, il exhibe ses gouffres noirs. Écrivant depuis la mort (cette absence au monde) qui est la sienne, il dépiaute à vif sa carapace pour ne nous donner à voir que l’essentiel : l’horreur de cette vie que l’on passe à mourir. Ce livre est d’autant plus violent qu’il est beau dans sa vérité aveuglante. Pour preuve, la description rageuse de ce qu’un corps subit après la mort (« on vous referme soigneusement la mâchoire, cette bouche béante, à petits coups de maillet, on n’oublie pas de vous obturer le derrière… ») met le lecteur en souffrances. « Écrire, c’est descendre dans un souterrain où, à la lueur d’une chandelle, on décrit les ombres de soi-même qui tremblent sur les murs. » Et les ombres d’un, ressemblent aux ombres de tous.
Cadex
rue Saint-Victor 34 160 Saussines
62 pages, 69 FF
Domaine français Autobiographie d’un autre
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Thierry Guichard
Un livre
Autobiographie d’un autre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°19
, mars 1997.