Etonnante et dérangeante, cette aventure qui se déroule au cœur de Londres. Son personnage principal est un Pakistanais, Shahid, âgé d’une vingtaine d’années. Cet étudiant, grand fan de rock et de littérature, mène une vie de potache des plus ordinaires, jusqu’au jour où il fait une drôle de rencontre dans sa cité universitaire. Dès lors, rien ne sera plus comme avant. Shahid est entraîné dans une sorte de spirale, un terrain glissant qui mène à un monde où l’on s’enferme, où l’on s’enferre : celui de l’intégrisme. Car l’homme que vient de rencontrer le doux Shahid a une autre perception de la vie que lui. Ce fou de Dieu, du nom de Riaz, est un musulman qui mène la lutte sur tous les fronts, persuadé que les hérétiques entraînent le monde à sa perte. La manière insidieuse, progressive, sournoise, par laquelle l’araignée tisse sa toile est formidablement traitée et décrite dans Black Album. Ce cauchemar, ce calvaire intérieur que vit le jeune « paki » sera heureusement brisé par l’affaire Rushdie. Un beau matin, on brûle la littérature sur la place publique : « Les chapitres s’embrasaient en tremblant ; des pages consumées tournoyaient au-dessus de la foule. Un paragraphe s’envola vers Kilbur ; plusieurs pages partirent vers Westbourne Park ; la moitié de la couverture monta droit dans les airs ». Shahid, l’amoureux des lettres, en ressent une profonde indignation et cela le fera basculer définitivement vers le chemin de la liberté. Toute cette ambiance est particulièrement bien rendue par Hanif Kureishi. Né en 1954 à Londres et issu d’une famille qui a quitté Bombay au début des années 50, Hanif Kureishi exploite les mêmes thèmes de la violence raciale à travers ses deux derniers romans et ses scénarios (My Beautiful Laundrette et Sammy et Rosie s’envoient en l’air).
A noter, en ce mois de janvier, la sortie d’un recueil de nouvelles du même auteur (Des bleus à l’amour, Christian Bourgois) dont une des fictions a donné lieu à son adaptation cinématographique, My Son the Fanatic, film d’Udayan Prasad.
Black Album
Hanif Kureishi
Traduit de l’anglais par
Géraldine Koff-d’Amico
10-18
368 pages, 47 FF
Poches Les fous de Dieu
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Hubert Delobette
Un livre
Les fous de Dieu
Par
Hubert Delobette
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.