C’est la chambre qui abrite la bibliothèque de Jean-Pierre Abraham. Plutôt discrète. L’essentiel de ses livres est resté chez sa femme. « Mon souhait est d’en garder de moins en moins. » Un ordre peu apparent. Les vieilles couvertures dominent. Sur une étagère où trône un barographe, des lectures, précieuses, passées ou actuelles : quelques Pléiade (s’il faut en garder deux : Poètes et romanciers du Moyen Age ; Jeux et sapience du Moyen Age), beaucoup de René Char (« mon ancien amour, que je ne regarde plus »), une enfilade d’ouvrages de Pierre Reverdy (« c’est par lui que j’ai découvert la poésie moderne. Mais ça reste une image ancienne »), Gaston Bachelard, Yves Régnier. Abraham avoue que Promenoirs l’a aidé pour écrire Le Guet. « Chez Régnier, il y a une très belle écriture, transparente, presque énigmatique. »
On trouve également quelques livres de peinture, un ouvrage sur l’astronomie populaire : « Je n’y connais rien mais j’adore, ça fait bouger la tête », et une importante collection d’albums de François Cali. Au hasard, Abraham saisit France aux visages, édité par Arthaud. Grand format, d’étranges photos accompagnées de poèmes en gros caractères. « Cali est un écrivain peu connu, mort dans les années soixante-dix. On ne le prenait pas au sérieux. C’était un érudit au style exalté. » En face de l’étagère, un rayon avant tout de poésie. « Là c’est plus cohérent. C’est mon réservoir de mots », se rassure-t-il en montrant les ouvrages de Michaux, Follain, Bonnefoy (« lui, il m’a intéressé avant de m’intimider »), Paulhan (« Les Incertitudes du langage est un sacré bouquin »), Joubert (« un homme admirable »). Il faudrait aussi parler de Nicolas Bouvier (« une écriture vibrante, bouleversante »), de La Fontaine, Nerval, Rimbaud. Sans oublier surtout les écrits depeintres, « essentiels pour moi » : les carnets de Jean Bazaine, de Georges Braque, le Journal de Paul Klee.
Dossier
Jean-Pierre Abraham
Bibliothèque en marge
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Philippe Savary