En choisissant de raconter la vie d’un homme, Patrick Bardeilhan, durant les années 80, François Salvaing a réalisé un roman qui échappe à l’anecdotique. Certes, La Boîte s’attache, avec un effet de réel, à suivre l’évolution professionnelle et privée d’un cadre qui commence son ascension avec l’arrivée au pouvoir de la gauche. Dans un style jubilatoire, qui multiplie les raccourcis et sème sans cesse de belles surprises syntaxiques, François Salvaing fait donc le portrait d’une génération pour laquelle le mode économique va l’emporter sur toutes les autres formes d’existence. Le roman prend parfois des allures de chevauchée, où le chevalier Bardeilhan conquiert les jolies femmes et le pouvoir, avec l’impression de toujours servir la noble cause. Et pourtant, insensiblement, la tunique blanche du héros se noircit au fur et à mesure que le mot « mondialisation » infeste le langage quotidien. Homme d’une haute éthique sociale, Bardeilhan sera finalement celui qui condamne des hommes et des femmes au chômage et à la misère. La fin du roman élève s’il en était besoin cette biographie fictive au rang d’une véritable parabole. La Boîte fait la démonstration que le pouvoir se tient dans le langage et dans une représentation imposée du monde. A ce titre la fin -qu’il convient de taire- éclaire le gouffre intellectuel que la télévision et les médias, alliés à un système économique acéphale, ont creusé dans l’esprit des gens. Avec François Salvaing on se dit que la gestion des ressources humaines ressemble à un dîner de vampires.
François Salvaing, on a vu apparaître ces dernières années des romans sur l’entreprise, de Lydie Salvayre (La Médaille) à Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte). La Boîte s’inscrit dans ce registre. Est-ce aussi, chez vous, une préoccupation esthétique et éthique de parler de l’entreprise ?
Mon roman ne se situe pas par rapport à un courant. A l’origine j’avais été sollicité pour écrire un livre dans une collection qui traite les faits de société. Je devais faire quelque chose sur le chômage. Bien sûr, j’ai eu envie d’écrire le contraire de ce que l’on attendait : ne pas faire des chômeurs le centre du livre mais parler du lieu d’où ils sont exclus. La fabrique de chômeurs, c’est l’entreprise. La collection a été abandonnée ; j’ai remanié ce que j’avais commencé et je me suis beaucoup documenté.
Comme un journaliste ?
Oui, j’ai rencontré une sociologue parce que je n’arrivais pas à entrer dans les lieux de production. Elle a organisé un repas avec des DRH (Directeur des Relations Humaines). A la suite de quoi j’ai été invité dans des usines où j’ai rencontré des syndicalistes et, notamment, un important DRH d’une très grosse entreprise française.
Mais je ne parle pas que de l’entreprise. On définit La Boîte comme un roman sur l’entreprise parce qu’il n’y a pas beaucoup de romans sur les salariés. Il n’en manque pas sur les professions libérales, en revanche ; c’est...
Entretiens Génération managée
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Thierry Guichard
Plus qu’un livre sur l’entreprise ou sur les années Mitterrand, le nouveau roman de François Salvaing est une parabole lucide de notre société.
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