Membre de la Revue Perpendiculaire, Jean-Yves Jouannais évoque dans un opuscule le poète et auteur de gauloiseries Armand Silvestre (1837-1901). C’est tout à son honneur d’autant qu’il l’a illustré d’un portrait. Pour le reste, on s’étonne que l’essai paraisse dans la collection Le Cabinet des lettrés quand il conviendrait si bien au Boudoir des courants d’air. Superficiel comme un blabla de salon, ce livre est creux lorsqu’il n’est pas truffé de contresens (une poignée d’Hydropathes n’a jamais bouleversé Paris) et d’assertions abusives (un plagiat n’en cache pas toujours un autre).
Si la biographie d’Allais par F. Caradec (Fayard, 1998) lui sert de caution, elle révèle par contraste l’absence d’informations nouvelles susceptibles de sortir Silvestre du néant. Faute de quoi, Jouannais fige son sujet dans les hardes de l’écrivaillon-type. Le substrat « esthétique » de son propos transparaît vite du reste. Après avoir qualifié Vaché et Fénéon d’Artistes sans œuvre (cf. MdA N°21), il souhaite établir cette fois l’étalonnage stérile du (vulgaire) « auteur de livres » et de « l’artiste » (génie) au prix de raisonnements aussi spécieux que simplistes.
Voilà comment en prétendant défendre l’œuvre de Silvestre on lui inflige les rigueurs d’une « postérité ingrate aux amuseurs » (Van Tieghem). Profiter du statut précaire de ce poète élégiaque est un procédé cuistre et inélégant. Jamais Proust ou Mallarmé n’auraient subi cela. Aussi, à notre contempteur des médiocres – qui bénéficie en retour de leur aura décalée –, on conseillera l’œuvre critique du poète Yves Martin. Celui-ci a toujours eu l’œil assez pointu pour déceler le beau morceau chez les plus humbles. Il sait bien qu’en matière d’histoire ou de critique littéraire, il convient d’aborder son sujet avec empathie et respect. On ne s’essuie pas les pieds sur les macchabées.
Armand Silvestre, poète modique
Jean-Yves Jouannais
Le Promeneur
61 pages, 78 FF
Arts et lettres Le paillasson de monsieur
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Éric Dussert
Un livre
Le paillasson de monsieur
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°27
, août 1999.