Plus de quarante livres balisent déjà la vie de Hubert Haddad, toute entière vouée à l’écriture. L’auteur n’avait jamais adopté le récit, lui préférant la fiction ou l’essai. Avec La Vitesse de la lumière, c’est chose faite. Il s’y approprie la réalité à l’état brut, poussé par la nécessité impérieuse du deuil. Hubert Haddad évoque Miriam. Cette jeune fille, croisée lors d’une manifestation culturelle à Lourdes en 1992, mettra fin à ses jours quelques années plus tard, après une correspondance entretenue avec l’écrivain et des rencontres que semble imposer la jeune femme à l’auteur. Elle a trouvé en lui un compagnon de gouffre. Il y a dans La Vitesse de la lumière, une forme de nécessité intolérable de dire qui tient de la boule dans la gorge. Peu à peu, à mesure que l’auteur évoque sa rencontre, la douleur progresse et s’amplifie encore. L’écrivain cherche bientôt à embrasser le spectre noir de sa vie en intégralité. « J’aurais voulu que tout soit simple mais la tragédie me talonne depuis l’enfance. On s’est tué trop souvent devant moi. Le deuil est mon ombre. Miriam dut me reconnaître entre tous. » Surgit, parmi d’autres, la figure obsédante du frère aîné disparu, le peintre Michel Haddad, qui s’est suicidé quinze ans plus tôt. « Un véritable artiste tue le monde avec lui. Arrêté dans son âge, mon frère aîné pourrait être mon fils aujourd’hui. » On suit la vie quotidienne d’un écrivain qu’on découvre davantage passant que voyageur, éprouvant des difficultés à occuper l’espace où il est, allant de ville en ville pour animer des ateliers d’écriture.
Cette pratique est détaillée dans un court ouvrage, publié chez Dumerchez, Théorie de l’espoir. L’auteur y évoque, avec une grande clarté, vingt ans d’expérience acquise dans tous les milieux (école, collèges, prisons, hôpitaux). Il défend des valeurs d’ouverture et d’humanisme avec une conviction communicative : « La langue française n’est pas chose extérieure qu’il faut s’approprier, mais réalité efficace en chacun. »
La Vitesse de la lumière est complétée par un court texte, Les Indes de la mémoire, paru précédemment en petit tirage (Éditions l’Étoile des Limites). On y retrouve le Paris de la fin des années soixante. Vingt pages évoquent les premiers pas de l’auteur en littérature. Autour de lui, la figure proche du « fidèle compagnon des confins » Georges-Olivier Châteaureynaud, et celles plus lointaines d’Yves Martin ou Dominique de Roux.
Enfin, Fayard réédite, dans une nouvelle collection vouée à l’autobiographie fictive (Alter ego), un texte paru en 1992 chez l’Aube. Le Chevalier Alouette tient une place singulière dans l’œuvre de Haddad. Il est le roman de l’enfance à tout prix. « C’est naturellement que l’on passe l’une ou l’autre souffrance, qu’on devient homme ou bien cadavre, car il est deux façons de mourir, la pire étant de devenir adulte. » À travers la vie d’un jeune orphelin, né sous Louis XVI, l’auteur y avoue sa profonde méfiance pour l’adulte : « Je devais m’en défendre comme de déments avinés qui mimeraient une civilité pour le moins fantasque. »
Hubert Haddad
La Vitesse de la lumière et Le Chevalier Alouette
Fayard - 162 et 156 pages,
89 FF chacun
Théorie de l’espoir
Dumerchez -80 pages, 60 FF
Domaine français Le livre des morts
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Benoît Broyart
Un récit, un essai sur les ateliers d’écriture et la réédition d’un roman à teinte autobiographique : Hubert Haddad, talentueux capteur de réalité.
Des livres
Le livre des morts
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°34
, avril 2001.