Il a passé des années sur la côte landaise à observer l’océan, à guetter les moindres signes d’une révélation. Il a noirci de nombreux cahiers, à l’affût de ce que la mer pouvait lui dicter. La poésie de François Solesmes n’appartient pas à son temps et ne cherche pas à lui appartenir. D’une exigence qui tourne le dos aux modes (il a commencé dans les années 60), son oeuvre fait plutôt penser à de grands anciens, Paul Valéry d’abord auquel il ne cesse de faire référence. Il avoue que lorsqu’il écrit « quatre ou cinq lignes par jour, en poésie, c’est une journée faste ». Une journée qu’il commence à cinq heures du matin, face à l’océan que son appartement au dernier étage d’une tour lui offre comme un cadeau sans cesse renouvelé.
Son écriture aborde d’autres obsessions que l’océan. L’arbre, chez François Solesmes mérite aussi son ode, car c’est un être auquel la grâce a accordé ses faveurs. Et, troisième élément de cette trinité quasi mystique : la femme, à laquelle l’écrivain a consacré une poétique. Il faut aussi rappeler que François Solesmes est le destinataire des Lettres à l’amant de Mireille Sorgue et le dédicataire de L’Amant. Rencontre primordiale que celle de cette jeune femme disparue à 23 ans en 1967. François Solesmes lui a consacré L’Amante.
Jacques Neyme qui dirige les éditions Encre marine a dû avoir un sérieux coup de foudre pour l’oeuvre de Solesmes. Océaniques, qui a paru avant l’été, en est la preuve : très grand format (32x22,5 cm), sur beau papier et composé avec un Garamond expert collection d’une rare élégance, le livre est un monument. Et convient donc au projet de l’auteur : célébrer l’océan, puisque dit François Solesmes, « je suis né pour célébrer. » La poésie s’y déploie comme une houle ample, tumultueuse parfois, qui soulève du sablonneux lexique des mots qu’on croyait disparus. Lyrique, la phrase se roule dans « L’Immense », chavire à vouloir tutoyer l’horizon, et fait voir une présence immuable et pourtant indescriptible. Face à l’océan, c’est devant la vie que nous place le poète.
L’homme avait rechigné à ce qu’on vienne le voir en sa retraite landaise, puisqu’on venait avec un stylo, un carnet et des questions. Et nous dûmes avoir l’air accablé des apprentis surfeurs qui, ce jour-là, constataient l’absence de vagues sur l’océan, lorsque François Solesmes nous accueillit en brandissant une liasse de feuillets : « Voilà, je vous ai écrit toutes les réponses aux questions que vous n’aurez donc plus besoin de me poser ». Et le peu disert poète de se lancer dans un long monologue dont l’objectif probable était de nous faire abandonner toute velléité d’interview. On avança qu’un entretien n’était pas un ramassage de copies, que pour cela, même déficiente, La Poste était plus économique que de venir en voiture, on précisa que l’entretien consistait à présenter à nos lecteurs son oeuvre singulière et aussitôt François Solesmes se mit à lire un passage de ce qu’il nous avait préparé. On parla. Le...
Entretiens François Solesmes, le scribe de l’océan
septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36
| par
Thierry Guichard
Poète au lyrisme méticuleux, sa discrétion trouve un contrepoids dans ses livres auxquels son éditeur donne une majesté à la hauteur des célébrations qu’on y lit. Les preuves écrites.
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