Homme de savoir et d’imagination, le spirituel et discret Jean Claude Bologne dispose de trois casquettes : il est historien, enseignant et écrivain. Au fil de ses recherches, il a capté les idées et aspirations d’époques diverses et leur a donné, lorsque l’inspiration le commandait, un prolongement dans la fiction. Ainsi Le Frère à la bague (LMdA No27) retrace-t-il la vie du frère de Voltaire mêlé à l’aventure des Convulsionnaires. En revanche, il n’est pas certain que la vie sexuelle de Dieu évoquée avec un humour sacrilège dans Sans témoins (Zulma, 1996) ait été le fruit de recherches au Vatican… Né à Liège en 1956, Jean Claude Bologne fut d’abord critique littéraire à La Wallonie et au Magazine littéraire après avoir fondé la revue Ouvertures (1979-1984) et collaboré à la radio belge. Son premier ouvrage paraît en 1986 aux éditions Olivier Orban, c’est une Histoire de la pudeur qui sera suivie d’essais sur l’Histoire des boissons (1991), du mariage en Occident (1995) ou du sentiment amoureux (1998) ainsi que d’ouvrages consacrés à la spiritualité comme sa biographie de maître Eckhart (1997) et Le Mysticisme athée (1995). Une dernière petite énigme réside dans son prénom composé privé de tiret : Jean Claude. On apprend vite qu’il est issu de l’esprit vétilleux d’un officier d’état civil. Cette particularité expliquerait-elle son souci de l’évolution de la langue ?
Vous venez de publier trois ouvrages : un roman (Requiem pour un ange tombé du nid), un essai très spirituel sur le langage (Voyage autour de ma langue) et un recueil d’apologues (Le Roi rebelle). Quel rôle attribuez-vous à chacun de ces livres ?
Le roman et l’essai sont deux démarches complémentaires, qui répondent aux mêmes préoccupations : une matière humaine envisagée dans sa dimension historique et synchronique. Je m’intéresse aux structures profondes de l’homme, la pudeur, l’amour, la langue, et à leurs manifestations extérieures, soumises aux conventions culturelles, donc à l’histoire. Le Voyage autour de ma langue pose un regard sur les tics d’écriture actuels, les mots à la mode, les évolutions grammaticales… une série de phénomènes auxquels je suis perméable, évidemment. Les analyser me permet de les utiliser à bon escient ou de les écarter. Je me suis penché sur différents niveaux de langue, et notamment sur les vocabulaires économique ou informatique qui n’appartiennent pas à mon usage du français. Cela m’a donné l’envie d’en user dans un roman situé dans le milieu de la Nouvelle économie. Je n’ai plus à me justifier, alors, d’utiliser le verbe « scratcher ». L’apologue répond à une démarche plus ponctuelle.
Qu’est-ce que l’ange et pourquoi recourir à cette figure ?
Pour un athée, l’ange représente ce qui n’existe pas, mais qui, par son histoire, sa charge émotionnelle, acquiert un certain degré d’existence. Un peu comme “Dieu”, concept dont je n’hésite pas à me servir et qui représente pour moi -dans son expression la plus...
Entretiens Visite de la langue
Historien du sentiment, Jean Claude Bologne s’interroge : que devient notre langue ? Polygraphe de grande culture, il s’enquiert de l’évolution de notre civilisation avec les outils de l’intellectuel et les armes du créateur.