On doit reconnaître à Valérie Mathieu d’évidentes qualités d’écriture, le sens des images justes, et un joli talent d’aquarelliste. Roman du mal de vivre (et de sa tentative de guérison), Le Ciel de travers dépeint sans tricherie l’univers bouleversé et questionnant d’un petit garçon solitaire, en guerre contre lui-même et le monde des majeurs. Il a dix ans et son « coeur est un seau vide ». La vie lui semble un habit trop large pour loger toute sa tristesse, alors il rêve, rêve de couteau pointu depuis que son père est parti là où « le soleil ne se couche jamais ». Ses cauchemars, il les oublie en scrutant les planètes ou en actionnant sa Game boy, mais « seulement la moitié ». Incompris, son petit corps suffoque, jusqu’à ce que des crises d’asthme l’obligent à rejoindre une maison de santé, tenue par un curé. C’est dans ce décor, « où ça sent le vieux mélangé à l’enfant », que se déroule le récit. Il prend la forme d’une sorte de journal de bord, drôle et poétique. L’esprit rebelle, ouvert à toutes les questions métaphysiques et existentielles, le jeune narrateur y consigne le quotidien à l’institution, la médiocrité de son entourage et surtout la lente connaissance de Violette, « ce nom de vache, et même de vache triste ». Soeur de peine, Violette deviendra sa confidente, elle aussi marquée à jamais par un père honni.
Ce qui est remarquable dans le travail de Valérie Mathieu, c’est la richesse de sa palette d’images et de couleurs. En variant les nuances, elle réussit moins à dire qu’à suggérer : comment la vie parvient peu à peu à repousser la face cachée du malheur (la mort, l’inceste) ; comment la parole s’affranchit de nos angoisses. Sans pathos, ni surcharge visuelle,Valérie Mathieu, dans son deuxième roman pour la jeunesse met tout simplement à nu la fine mécanique d’une délivrance.
Le Ciel de travers
Valérie Mathieu
Éditions du Rouergue
128 pages, 7,47 € (49 FF)
Jeunesse Cure de délivrance
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Philippe Savary
Un livre
Cure de délivrance
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°37
, décembre 2001.