Qu’est-ce qui fait qu’un texte ne prend pas ? Est-ce une sorte d’empoissement du déjà lu/déjà écrit ? Est-ce l’absence de toute scène, de tout personnage qui nous atteindrait ? Pas même une phrase, pas même une image dans ce roman de Réda ne se détache d’une sorte de flot d’émois adolescents hésitants, de populisme bon teint mêlant des bicyclettes venues de chez Doisneau, des matrones de chez Dutourd, et d’agaçants dialogues, d’un mauvais Duvivier : « Qu’est-ce que tu fous, dit Rose, je pète de froid. - Quelle idée aussi de mettre une robe. Tu vas au bal ? - Si ça m’toque. » Etc. Cela pourrait être le récit de vies minuscules, de petites gens aux désirs modestes et aux plaisirs discrets -mais on est loin de l’éclatante précision de Michon. Nous aurons autant de mal que le héros à atteindre la perte de son pucelage : « Puis Rose me prit une main, la guida et, dans un souffle : »Tu veux ?« Oui, là, sur une litière de vieilles orties » (p. 137). Jetez-vous plutôt sur d’autres Réda : les beautés de l’errance et des à-côtés dans L’Herbe des talus, ou la mystérieuse apparition de Celle qui vient à pas légers.
Aller au diable
Jacques Réda
Gallimard
145 pages, 14 euros
Poésie Aller au diable
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
Un livre
Aller au diable
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.