Elle vit seule à Paris, travaille dans une compagnie d’assurance et mène une existence sans surprise. Non loin de son domicile, une femme est assassinée, puis d’autres meurtres ont lieu. Elle est rapidement prise d’angoisse, persuadée qu’elle sera la prochaine sur la liste.
L’ossature du nouveau roman de Dominique Barbéris tient presque du cliché. Mais c’est justement la banalité et l’angoisse qu’elle génère qui constituent le véritable enjeu du texte. Avec élégance et une grande attention aux détails du quotidien -on trouvait déjà ces éléments dans ses trois précédents livres-, l’écrivain met en place un univers subtilement contaminé par l’angoisse. Nostalgie de l’enfance, perte de la mère, c’est comme si le texte profitait du climat d’inquiétude pour souligner également des traumatismes qui n’appartiennent pas à l’intrigue de surface.
Malgré tout, il manque aux Kangourous cette efficacité narrative indispensable au genre policier, roman ou film, dont ce texte prend quelques airs. L’éditeur se plaît tout de même à évoquer Chabrol ou Hitchcock, pas moins.
Heureusement, on finit par apprécier cette progression à contretemps du texte, une des marques de fabrique de l’auteur. L’héroïne se perd car elle demeure hors du monde. L’intérêt dans l’univers de Barbéris réside donc d’abord dans cette belle forme de décalage, cet émerveillement enfantin devant une réalité toujours difficile à saisir. Le sens de l’observation, très fin, permet parfois la venue d’images inédites : « J’avais posé mon sac à dos sur le muret du port et je regardais la mer chaude ; elle était de la couleur d’une vitre. Les gens qui s’y baignaient encore avaient des têtes toutes noires à cause du contre-jour ; on aurait dit des quilles. »
Les Kangourous
Dominique Barbéris
L’Arpenteur
176 pages, 13,50 €
Domaine français Une fleur d’angoisse
septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40
| par
Benoît Broyart
Une fleur d’angoisse
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°40
, septembre 2002.