La Femelle du requin N°21 (Antonio Muñoz Molina et Ena Lucia Portela)
Les mémoires de La Femelle du requin ne sont ni prodigieuses, ni sélectives, seulement furieusement en alerte. De l’édito (« À ceux qui dirigent des pays comme on manage une marque de café, nous disons donc souvenez-vous, regardez le mur en face, il approche. Et nous nous souvenons pour eux. ») aux fictions présentées le résultat s’avère plutôt brillant. Thierry Clermont réveille les souvenirs d’un été où les chansons de Jonasz et Dassin accompagnaient les coups de pédales d’un Luis Ocaña, pas encore martyr. Laurent Roux nous offre des souvenirs amers voire barbelés avec ses Bracelets. Le dossier de ce numéro, quant à lui, consacre l’ibérique Antonio Muñoz Molina comme gardien-capteur de mémoires. Si nous regrettons la trop succincte présentation de son œuvre, un long et passionnant entretien rattrape la mise. Il y est question de mémoire bien sûr, de techniques narratives, mais surtout de l’identité de l’écrivain « Écrire c’est changer sa place dans le monde, se mettre à la place de l’autre, être ici et là… » Molina nous révèle l’influence majeure de Primo Levi et Jean Amery dans l’écriture de son dernier roman Séfarade, et avoue « Quand on est jeune, on veut surtout avoir un style. Ce que je recherche, c’est un style sans style. On écrit toute la vie pour arriver au moment où l’écriture ne ressemble pas à l’écriture. »
* La Femelle du requin N° 21 - 70 pages, 6,5 € (88, rue Alexandre-Dumas 75020 Paris)