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Arts et lettres Queneau au pinceau

octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47 | par Marc Blanchet

Dessins, gouaches et aquarelles : ou comment l’auteur de Zazie se mit à la peinture pour nous livrer un autre pan de son imagination loin du jardin secret.

Les amoureux de Raymond Queneau ont de quoi se réjouir : la publication, dans la collection « Les Cahiers dessinés » des éditions Buchet Castel, de l’œuvre picturale de l’écrivain oulipien (et plus que ça !) s’impose comme une découverte d’inédits. Ce Queneau sous-titré Dessins, gouaches et aquarelles témoigne du désir de l’écrivain de se confronter à la peinture au lendemain de la guerre. C’est entre 1946 et 1952 qu’il pratique assidûment les beaux-arts. D’emblée les couleurs s’imposent, des scènes de villes et d’intimité, des personnages, des façades, des rues, des maisons, un goût pour la perspective déjouée par un sens de l’art à la fois naïf et fin dans ses observations. Raymond Queneau n’exposera qu’une seule fois personnellement ses dessins en 1949. L’intérêt du travail critique mené par Dominique Charnay pour le long texte qui accompagne la présentation de ces reproductions en partie inédites est de montrer avec talent comment ces dessins naissent autant d’un besoin personnel d’affranchissement de la littérature que de rencontres, de regards, d’études sur des contemporains : Tanguy, Masson, Hélion, Torres Garcia, Léger, Picasso, Chaissac ou Dubuffet.
On voit bien que les dessins de Queneau empruntent à ces différents langages sans chercher à les reproduire. Ces peintres lui font face dans leur recherche, l’influencent mais Queneau ne quitte jamais son propre territoire de fantaisie et même d’expérimentation. Ainsi le texte de Dominique Charnay est-il autant un défilé de peintres que le témoignage de l’effort d’un Queneau pour trouver sa voie : « Considérant que la peinture est la » langue poétique par excellence « et que chaque peintre a la sienne propre, Queneau reconnaît en Miró l’inventeur de la peinture poétique. Dans ses tableaux, il voit des signes. Le terme s’impose. L’artiste lui-même l’emploie. Chez lui, tout fragment de nature a valeur de signe. Le monde qu’il crée est une sorte d’histoire imaginaire de l’infiniment petit. » Ce qui m’intéresse par-dessus tout, disait-il, c’est la calligraphie d’un arbre, ou des tuiles d’un toit, feuille par feuille, rameau par rameau, brin d’herbe par brin d’herbe. «  » C’est dans ce jeu de miroirs que la peinture de Queneau apparaît et s’affirme. En 1949 il confie à un journaliste, lors d’une exposition, son évolution littéraire et picturale, car la peinture a pris le dessus : Queneau n’écrit plus à cette période. « En 1928, quand j’étais surréaliste, je faisais des gouaches toutes noires. Maintenant ça a changé. De la gouache aux livres, il n’y a qu’un lien : la banlieue, la petite ville de Pisanello, vous savez ? Depuis deux ans je n’écris plus. J’ai terminé Saint-Glinglin et je travaille à cette cosmogonie. Je peins. En peinture, il y a le contact avec la matière, le travail manuel. Ça manque en littérature. »
De ce fait, c’est tout un monde qui surgit dont Dominique Charnay dresse le portrait : « Telle qu’il la pratique, la peinture devient un exercice de liberté, dynamique, allègre, ludique et gourmand. Sans préoccupation esthétique ou théorique, loin du Luna Park surréaliste et des filiations plastiques attendues. Il mélange les styles. Il se promène dans une réalité insolite, décalée, distanciée, biscornue, souvent cocasse et parfois mélancolique sous le masque de la fantaisie. On dirait qu’il poursuit ses poèmes par le graphisme, qu’il jongle avec les mots par le vocabulaire des formes. » Au jeu de miroirs des peintres étudiés, suivis, appréciés répond donc ce jeu de formes, et une multitude de sujets : « Il fait des séries. Des parties de billard, son lit, un chien, un morceau de pain, un ciel ovale, un œuf cosmogonique, un comptoir de bar (…) qu’il qualifie de » plus ou moins arbitraires « . »
Reste maintenant que la peinture de Queneau en étant ainsi rassemblée et bénéficiant d’un tel apport critique est également soumise au jugement de chacun. C’est la seule manière de la faire sortir de l’anecdotique, comme on peut le redouter pour tout écrivain « peignant également ». Car, malgré ce savoir-faire et cet amour du sujet, il y a une limite à la découverte de cette partie méconnue de l’ œuvre d’un auteur inspiré : la qualité même et d’inspiration et de réalisation de ces peintures. Si Queneau sait incorporer différentes techniques, faire du dessin le miroir fidèle de son imagination, ces peintures n’emportent pas toujours l’adhésion sans se révéler pour autant quelconques, loin de là. Ce sentiment partagé peut être discuté : ce qui transparaît dans ces dessins c’est surtout un amour de la peinture, un sens de la couleur évident, une imagination qui parvient à convaincre car elle sait garder sa pudeur, voire sa timidité. Cependant, devant l’imagination de l’auteur, on regrette presque une réserve dans le déploiement de cet imaginaire, comme trop peu d’œuvres, de directions, pour partager la flamme de cette création.
Cet ouvrage comblera donc les amateurs de Queneau, en ravira, ou intriguera, d’autres. Mais au final donnera sûrement plus envie de replonger dans l’œuvre littéraire afin de retrouver dans les mots quelque chose de plus vaste, plus profond et plus inattendu que cette peinture.

Queneau, Dessins, gouaches et aquarelles
Précédé de Queneau
et la peinture
Dominique Charnay
Buchet Castel
165 pages, 28

Queneau au pinceau Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°47 , octobre 2003.
LMDA PDF n°47
4,00