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Médiatocs Au milieu suinte une rivière

janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59 | par Ludovic Bablon

Avec les mauvaises recettes du roman de terroir, on a de quoi écrire beaucoup de mauvais romans. Christian Signol en a bâclé un au hasard.

La Grande Île

C’est l’histoire… de… trois enfants, et de leurs par… Non, disons-le plutôt ainsi : comme l’indique sa première phrase « Nous étions trois enfants libres et sauvages, heureux comme on l’est à cet âge, dans l’aube sans fin de nos vies », dès le départ La Grande Île est un texte atone. Il tergiversera 230 pages pour nous présenter maximum dix éléments. D’abord, le lieu : rural, près d’une rivière, en Dordogne ; le moment : aux alentours d’une Seconde Guerre mondiale qui ne marmonnera son nom que très sourdement sur quelques pages ; cinq personnages fixes (la famille), plus deux faire-valoir fallacieux, ces enfants gitans qui servent malhabilement à l’intrigue, un frère et une sœur s’échangeant platement contre leurs alter ego ; et un ou deux incidents banaux qui viennent poivrer l’absence d’action. Sans aucun conflit à l’horizon, qu’est-ce qu’on fait ? on grignote de la luzerne ?
Ces trois enfants dont on nous mé-conte la vie s’appellent Bastien (le narrateur), Baptiste, et Paule ; leurs parents, Charles, pêcheur, et Albine, mère aimante. Ils consacrent toute leur vie à s’attacher les uns aux autres ; les seuls soucis : quand un frémissement de sourcil a laissé penser qu’un des membres de la famille gnangnan jouissait d’un peu moins de bonheur que les autres mais une micro-scène de réconciliation et tout repart comme avant.
Quand le romancier s’aperçoit qu’il est temps de créer l’événement, tout retentit d’une force ! Charles est parti à la guerre ; et là, jaillissement : en son absence, Albine commence à regarder des magazines et à rêver d’un ailleurs ! Ça chamboule le narrateur. Mais tout rentre vite dans l’ordre, en quatre pages papounet est de retour sans avoir combattu et la fidèle épouse jette ses magazines. Un soir, Charles n’est pas rentré, maman s’inquiète en général et les enfants se blottissent contre sa poitrine ; mais le père rentre, ça va, c’était juste sa barque qui a dérivé puis il s’est perdu dans le bois. Rien, quoi ; ah, et si on osait la passion ? Bastien, le deuxième frère, qui finira sur un chalutier, il a la fièvre de la pêche. Oui : « Baptiste, surtout, avait la fièvre de la pêche. Il en tremblait dès que nous approchions des cordes ou des filets. Allons ! lui disait Charles, calme-toi. Mais rien ne pouvait faire tomber cette fièvre qui l’embrasait. » En effet, dans le cadre d’une psychologie de l’invraisemblable où toute réalité mentale a été nettoyée au profit d’une pureté d’âme rassurante pour le lectorat ciblé (sans doute les dames rurales de plus de 50 ans), ça colle parfaitement ; mais qui est prêt, sinon, à accepter un cadre aussi pauvre ? Qui peut bien demander si peu d’art ?
En fait, ça sent mauvais parce que ça sent la recette, c’est-à-dire qu’à chaque page toute la créativité potentielle du sujet hurle à quel point elle est contrainte par la nécessité de s’affadir au goût d’un public très peu lecteur. C’est ainsi qu’on ne trouve aucune, vraiment aucune originalité dans l’ordre linéaire/chronologique du récit ; aucun mot plus haut, plus riche ou plus pittoresque que l’autre ; une psychologie si pleine de bons sentiments qu’elle en siffle de fausseté ; une écriture à base de clichés : « Rien, jamais, ne sera plus comme avant » ou « Elle était si belle que nous avions l’impression qu’elle faisait pâlir la lumière du jour ». Enfin et surtout, un atroce déficit de sensibilité : pour nous dire la rivière, l’île, la vie tranquille, l’auteur ne sait jamais utiliser aucun autre mot que « rivière », « île », « vie tranquille » : mais quelle couleur ça a, quel bruit ça fait, que s’y passe-t-il, quelles sont les plantes et quels sont les poissons ? Du bonheur en Dordogne, qu’on était prêts à vivre, nous n’aurons jamais la sensation. Au lieu de la vie d’un monde, le livre ne laisse dans son sillage que l’impression d’une opération mensongère très agaçante, parce qu’il coule au milieu de cette littérature une rivière de mépris.

La Grande Île
Christian Signol
Albin Michel
230 pages, 17

Ce qu’en dit la presse…

L’Express :
« Ce temps qui ride le cœur des hommes à défaut du paysage (…), Signol l’égrène avec patience. Ce n’est que pour mieux surprendre le lecteur. Car il a l’art, et c’est sa force, de distiller une insidieuse amertume dans son aquarelle idyllique ». (Anne Berthod)

Le Nouvel Observateur : « Il y a sans cesse correspondance entre les mouvements de l’être et les forces obscures de la nature (…). Dans sa fable poétique sur l’arrachement à l’enfance, Signol réveille des émotions enfouies en chacun. » (Claire Julliard)

Le Magazine littéraire : « Solidaire de tout ce qui vit, Christian Signol cherche, dans le creuset d’une mémoire plus ancienne que lui ou la feuille d’un frêne, les failles où tremblote l’éternité ». (Anne-Marie Kœnig)

Au milieu suinte une rivière Par Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°59 , janvier 2005.
LMDA papier n°59
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