Phénomène comparable à celui de la Bibliothèque bleue cette littérature de colportage qui a fait la culture de tout un peuple, la littérature de cordel brésilienne, née à la fin du XIXe siècle dans le nord-est du pays, a connu son apogée dans les années 1950-1960. De même que le nom de Bibliothèque bleue vient de la couleur du papier qui était utilisé pour la couverture, celui de littérature de cordel vient de la corde qui, tendue entre deux bâtons, servait à suspendre les folhetos les fascicules les jours de foire ou de marché. D’une facture minimale (11,5 x 16 cm), et comportant 8 ou 16 pages d’un papier de basse qualité, chaque folheto réunit une trentaine de strophes versifiées traitant des sujets les plus variés : faits divers, faits de société, hagiographie, histoires édifiantes, conseils aux jeunes filles, récits grivois, actualité… Sorte de « journalisme à destination des paysans », ces poèmes cherchent avant tout à s’adresser, en des termes directement accessibles par eux, aux habitants du Nordeste, une région isolée culturellement, économiquement et géographiquement. Le plus étonnant est que cette forme de littérature, qui aurait dû disparaître avec l’arrivée du transistor et de la télévision, persiste. Il existe des folhetos sur la guerre du Golfe, le sida ou les potins du football. Mais ce qui fait l’intérêt principal de ce genre populaire, c’est la couverture du livret, illustrée d’une gravure sur bois ou d’une linogravure, donnant une image dont les aplats noirs, les évidements, le symbolisme élémentaire, la naïveté ont quelque chose de très émouvant. Brésil cordel nous en propose un précieux florilège, histoire de découvrir une tradition typiquement brésilienne, et d’ajouter à sa bibliothèque une très belle anthologie de gravures populaires.
Brésil cordel de Stanislas Kunz
Éditions de l’Amateur, 110 pages, 13 €
Arts et lettres Images exemplaires
juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65
| par
Richard Blin
Un livre
Images exemplaires
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°65
, juillet 2005.