La question du nihilisme domine incontestablement (…) l’horizon du temps. Elle reste indéfiniment ouverte et sans cesse à reprendre ». Philippe Forest a raison. Quelque forme qu’il prenne, moral ou sociétal, actif ou passif comme disait naguère Nietzsche, le nihilisme fait question. Il est, nous dit Pascal Boulanger, fervent ouvrier de ce volume, « l’horizon et le site dans lesquels nous nous débattons ». Se débattre et débattre du nihilisme, tel est donc le propos et le projet des huit participants (Isabelle Zribi, Martin Rueff, Claude Minière, Anne Malaprade, Gilles Jallet, Gilbert Bourson, Forest, Boulanger) ici réunis. Rouvrir la question du nihilisme, après Nietzsche, après Heidegger, n’est pas ressasser, mais bien plutôt résister à son emprise, à son attraction généralisée. S’il est vrai, comme l’écrit Boulanger, que « le nihilisme nous concerne tous et varie selon les vies que l’on souhaite mener, selon les écritures que l’on traverse », seul le questionnement collectif apparaît alors à même d’en démasquer les multiples visages. D’une contribution l’autre, ce livre appelle ainsi à un examen de conscience. Il impose à chacun de se confronter avec le nihilisme ambiant et le degré de sa virulence. L’ouvrage en son ensemble suggère fort bien que cette menace est polymorphe, plastique, plus tentante et plus tenace qu’on ne croie. Il y a ainsi, entre beaucoup d’autres choses, un indiscutable intérêt à voir avec Philippe Forest comment une certaine rhétorique littéraire actuelle subit à son insu la fascination du désenchantement et de la décadence. Le nihilisme est assurément l’horizon de notre temps ; ce volume invite, incite et, en quelque sorte, intime de n’en pas faire un horizon indépassable.
Anthony Dufraisse
Suspendu au récit. La question du nihilisme
(dir. Pascal Boulanger), Édtions Comp’act,
177 pages, 19 €
Essais Le nihilisme en question
mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le nihilisme en question
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°73
, mai 2006.