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Essais La foi tient parole

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Lucie Clair

Le silence de Dieu pèse sur le monde un silence prospère aux marchands d’armes et aux bourreaux. L’essai de Sylvie Germain ouvre le champ d’une écoute attentive de l’espérance en l’Homme qui peut y résider.

Les Échos du silence

En 1996 sortait cet opus, mi-essai, mi-parcours poétique, chez Desclée de Brouwer c’était l’année du Rwanda, la Serbie tuait sous l’œil des forces internationales. « Nous sommes au temps des génocides. Qui ne dit rien et ne fait rien (…) consent, se constitue obliquement complice ». Dix ans plus tard il est difficile de ne pas le remarquer rien de cela n’a cessé, et la réédition de ce texte par Albin Michel n’en est que plus indispensable. Face à ce temps où l’ « on ne trouve guère de signes ayant la transparence de l’aube originelle, la luminosité d’une tendresse surnaturelle » Sylvie Germain s’empare de la question double, de notre silence, et plus loin encore de celui de Dieu. Où l’Homme trouvera-t-il la force de parler si Dieu lui-même se tait ?
Or « nul reflet de sa face qui se serait inclinée vers les hommes en détresse, leurs enfants suppliciés pour répondre à leurs cris, leurs appels, à leur attente illimitée et demeurée vacante. » Absence flagrante de tendresse. Point de miséricorde. Silence de Dieu sur ce siècle, et peu ont su le traverser la foi en vue la figure d’Etty Hillesum surgit, celle de Simone Weil aussi, et encore l’ont-elles tant cherchée, « en veille et en tension », mais pour elles, Paul Celan et quelques autres, combien qui, tels Job et sa douleur n’ont eu d’autre recours que de convoquer Dieu face à leur colère ? Pas de silence sans son contrefort, le cri. La voix de Job résonne dans le désert, « Je crie vers Toi et tu ne réponds pas ;/ je me présente sans que tu me remarques »*. Dieu fait la sourde oreille, réfugié dans ses hauteurs. Dieu mythique qui se dérobe en une pirouette inacceptable de toute-puissance, qui, « loin de le disculper, aggrave bien plutôt sa responsabilité et accroît la confusion du plaignant » révélant par là cette profonde impuissance dans laquelle sa créature l’a plongé. Impuissance de Dieu, équation impossible. Alors, « authentifier la mort de Dieu et ratifier l’absurdité du monde ? » dés-espérer ? Ou perpétuer la plainte ?
Trouver la voie intermédiaire propose Sylvie Germain, entre celle du reniement et « celle à laquelle Job aboutit après avoir mis Dieu au défi de s’expliquer ». Trouver l’approche qui permet de restituer sa part à l’Alliance. Car « tel est le paradoxe : Dieu se retire de sa création pour permettre aux hommes de forger et de laisser s’épanouir pleinement leur liberté, mais, par cet admirable don même, il met les hommes en tragique péril, car ils sont foule ceux qui fourvoient leur liberté en se laissant griser par la » vacance « de la terre, par ce bel usufruit dont ils veulent jouir à outrance ; et les justes soumis à l’épreuve du mutisme de Dieu aux heures de détresse, soumis à l’ordalie des ténèbres, placent encore et toujours leur espérance en ce Dieu très absent. » Pour eux que reste-t-il, sinon un silence à deviner, une lettre secrète enchâssée dans l’opaque du non-dit ? Une lettre sous forme de soupir répond le prophète Elie, un froissement dans le tissu du silence de Dieu, à peine perceptible même pas audible un lieu d’amour inaliénable. Le soupir de Dieu face à ce que l’homme s’inflige sans savoir se pardonner, se redresser. Et puisqu’il faut alors partir en quête de l’inaudible, dans cette errance du blanc de parole, au gré d’une « rose des vents » où s’égrènent « Les échos du silence » c’est, forcément, la figure du Fou qui se convoque le Roi Lear de Shakespeare et son pari d’amour qui vire au massacre, les Justes, Kent et Cordélia les Illuminés, Thérèse de Lisieux, nommés fous de vouloir écouter ce soupir d’amour inassouvi, frôlant « Dieu lui aussi en exil (…) en sa nudité, en sa très folle vérité » et y concédant l’ensemble de leur vie.
« Dieu », « nature de Buddha », « Humanité », principe transcendant ou immanent il n’est pas nécessaire d’être croyant ni théiste pour comprendre que l’enjeu au fond pose la question de l’ordre du sacré, du principe de vie et de sa préservation, à toute force de Foi, à toute force d’amour. « C’est une histoire sans fin, son dénouement incombe à chaque homme ». Aller de l’ombre à la lumière, du néant des « sourds » au bruissement d’une espérance jamais tue, ni tuée. Sylvie Germain se distingue de l’ensemble de la production littéraire par son courage et la force de sa langue elle est par excellence l’écrivain des grandes peurs, la romancière délicate des destins brisés et des voix étouffées. Elle enjoint ici de « considérer l’urgence, la nécessité de cette écoute plutôt que son impossibilité » et par la grâce « du feu du néant », par l’abandon à l’inaccessible, faire jaillir l’éclat de la tendresse au-delà du voile obscur en un pari follement vivant. « Et quand bien même la parole resterait à jamais enfouie dans la nuit, ne parviendrait pas à luire, le fait de l’avoir attendue, d’avoir profondément désiré son surgissement, son bruissement, suffit déjà à éclairer cette nuit noire d’un halo minuscule, soit, mais porteur d’espérance. »

Sophie Deltin

* Job 30,20

Les Échos du silence
Sylvie Germain
Albin Michel, « Espaces libres », 114 pages, 6

La foi tient parole Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
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