Sur la couverture on voit, en un plan rapproché, l’œillade langoureuse que jette à Warren Beatty une Vivien Leigh à l’abandon, la poitrine offerte, et qu’on verrait palpitante si n’était figée l’image. C’est, datant de 1961, une séquence du film que Quintero a tiré du roman écrit par Tennessee Williams (1911-1983) dix ans plus tôt. En 1950, Williams séjourne en effet en Italie, d’où il ramènera ce manuscrit. On a sans doute raison d’y voir l’une des plus grandes réussites de cet écrivain qui, loin s’en faut, n’a pas écrit que du théâtre. Roman éminemment cinématographique, il met en scène Karen Stone, une actrice qui en pleine gloire se retire du star-system de l’époque, quittant Hollywood pour Rome. « Trois événements essentiels, trois ruptures profondes, avaient marqué, trois années de suite, la vie de Mrs Stone : l’abandon de sa carrière, la mort de son mari, et cette transformation qu’apporte dans la vie des femmes la fin du cycle ovarien. Chacun des événements représentait en lui-même un bouleversement grave, et les trois conjugués lui donnaient l’impression qu’elle vivait désormais une vie posthume. Aussi avait-elle choisi de donner pour cadre à ce genre d’existence, la ville de Rome : sans doute parce qu’une grande partie de cette ville semblait ne vivre qu’au passé ». C’est dans la ville éternelle qu’elle va donc ruminer et ressasser son mal-être. Son âge, auquel « elle ne s’est pas encore habituée », sera au cœur de la liaison qu’elle va nouer avec Paolo, gigolo sans le sou vaillant, pique-assiette aussi pervers qu’innocent, éphèbe innocemment pervers disons. Entre dignité et désir, T. Williams signe une histoire d’amour terrible, comme souvent elles ont besoin de l’être pour exister.
Le Printemps romain de Mrs Stone de Tennessee Williams - Traduit de l’américain par J. Tournier,
La Découverte, « Culte fictions », 104 pages, 9,50 €
Poches Désir romain
janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Désir romain
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°79
, janvier 2007.