En trois nouvelles qui remontent le temps, Jean-Luc Payen explore son travail d’écriture, son passé fantasmé et son rapport à l’absence. Dans « Vérité fantôme », le narrateur-auteur, abandonné à la naissance, lit quelques lettres de sa mère, dont il n’a jamais retrouvé la trace. Confiés tels quels au lecteur, ces courriers à l’administration, écrits dans une langue maladroite, portent en eux une force et une richesse qui terrassent le texte qui les entoure. Jean-Luc Payen les sacralise, et pour les approcher, progresse en circonvolutions, multipliant les allers-retours entre les faits et la fiction, les souvenirs et l’imaginaire. Peut-être pour « faire disparaître une deuxième fois (l’inconnue) dans la fiction du cœur ». Une démarche qui le laisse pantelant, insatisfait, jusqu’à ce que sa prose répétitive le libère d’une émotion contenue jusqu’alors : « son cœur se serre dans sa poitrine à l’évocation de cette femme et de ce qu’elle a vécu ». Le passé, caressé par les mots, s’accommode. « Entrer dans la nuit sans le savoir » montre ensuite l’auteur, grand adolescent, s’abrutir de cannabis avant de sombrer dans un délire psychotique où le sentiment de puissance s’accorde avec une paranoïa lancinante. Le doute, le manque d’amour de soi, le taraudent. L’identité se brouille. C’est sur « L’Autre Rive », celle de l’enfance, que des pistes se dessinent et définissent la cohérence de son parcours. Au bord du lac Léman, l’écrivain, dix ans à peine, passe quelques jours avec sa grand-mère dont l’état de santé se dégrade. Jean-Luc Payen se souvient, cherche le sens et la valeur de ces instants. Il disqualifie l’intellect et met sur un piédestal les sensations et les émotions, qui seules atteignent « la vérité de ce que l’on a vécu ». Un baume pour le Moi fragile.
Vérité fantôme de Jean-Luc Payen
Éditions Joëlle Losfeld, 86 pages, 10 €
Domaine étranger Passé recomposé
janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89
| par
Franck Mannoni
Un livre
Passé recomposé
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°89
, janvier 2008.