Les photographies argentiques de Magali Ballet laissent sans voix. Elles fascinent. Les fées qu’elles exacerbent, mènent au matériel et à l’onirique. Le plus merveilleux des merveilleux est capté, porteur d’effrois dans ces ombres et lumières de forêts, arbres, taillis limousins. Quid de la prise de vue ? Quid du traitement chimique de l’image ? Elles dévoilent tout en cachant. Hyper matérialité et sous naturalité. Une perception des origines du monde, un enchantement. Forcément, ces images ne peuvent qu’animer, réanimer l’écriture d’un René Pons. Il y voit Golaud et l’interpelle : « Ô prince Golaud, où m’as-tu entraîné, à travers les fûts dressés de la forêt ? En sortirais-je ? / On ne sort pas de la forêt des mots, on s’y perd à jamais, on y tourne, on y meurt, on s’y décompose, on y disparaît. » Fort, mais pas sans références. Pelléas et Mélisande, un opéra de Debussy d’après une pièce de Maeterlinck. De ce dernier, Debussy expliquait : « J’ai voulu que l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est antilyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n’ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d’exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. » René Pons écrit avec la même folie, la même ferveur. Intarissable, il croise l’apollinien avec le dionysiaque, vole les arbres ou leurs photographies, évoque son enfance, un jardin, un vin aigrelet, des cépages, un figuier, Frédéric Bazille, l’École de Barbizon, Les Métamorphoses d’Ovide… Son secret : « pourtant me reste la voix des morts fraternels, complices de ma folie cachée, qui font de mon bureau une forteresse de papier où je peux à loisir, dans la solitude, me croire l’hôte délirant d’un château cerné d’une forêt de signes… »
unE FORÊT DE SIGNES
de RENÉ PONS
ET MAGALI BALLET
Le Bruit des autres, 80 ages, 16 €
Poésie Une forêt de signes
mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Une forêt de signes
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°101
, mars 2009.