Comment l’homme peut-il entendre Dieu ? « Pour André Malraux qui préface Le Clou brûlant en 1972, c’est à maints égards la raison pour laquelle José Bergamin vient d’écrire ce livre aussi mince que flamboyant, comme la plupart de ceux qu’il publia. Dieu, l’art et le jeu, on le sait, furent parmi les grands questionnements de cet écrivain fulgurant, né en 1895, mort en 1983, et qui repose à Fontarabie. Sur sa tombe, un avertissement : »Ami qui ne me lis pas tu n’es pas un ami car je ne suis moi-même que dans ce que j’écris « . Alors lisons ce texte, premier titre majeur à être traduit en français. À l’époque, une malencontreuse coquille avait modifié le sens d’une citation de Calderon et avec elle, le sens que Bergamin donnait finalement à tout son essai divisé en deux parties : Le Pain dans la main et la Main dans le feu. Dans sa préface, Jean-Claude Carrière revient sur cette histoire et sa confusion quand il annonça la nouvelle à Bergamin. »Ce qui te reste est ce qui ne te reste pas « était devenu : »Ce qui te reste et ce qui ne te reste pas « . La présente édition, bien sûr, corrige l’erreur qui, en son temps, avait amusé Bergamin. Pour lui, »modifier le sens d’un livre tout entier avec une telle économie de moyens, c’était bien une preuve de l’existence de Dieu « .
Pour ce communiste, éditeur, notamment de Lorca, intellectuel de combat, mis en scène dans L’Espoir par Malraux, appartenant »poétiquement à la constellation de 27 ", comme l’a écrit Florence Delay, grande spécialiste de l’auteur et dont on relira avec intérêt les pages qu’elle lui consacre dans le magnifique Mon Espagne Or et Ciel (Hermann), ce Dieu ne doit pas être entendu comme la figure pâle et habituelle d’une Église qu’il déteste en tant qu’institution et qu’il pourfend violemment quand elle rejoint le franquisme. Ce Dieu est un mystère, comme la foi et le christianisme le sont. Avec une infinie pertinence et le sens aigu de l’aphorisme, presque de la sentence, Bergamin scrute les profondeurs du génie chrétien, espagnol et humain. Il médite sur le temps, les rites, les sacrements et ces lignes complètent heureusement la grande symphonie de son œuvre.
le clou brûlant
de JOSé bergamin
Préface d’André Malraux, traduit de l’espagnol
par Jean-Claude Carrière, Les Fondeurs de briques, 96 p., 14 €
Domaine étranger Le clou brûlant
mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111
| par
Serge Airoldi
Un livre
Le clou brûlant
Par
Serge Airoldi
Le Matricule des Anges n°111
, mars 2010.