Dès le début, la situation est installée. Et elle est compliquée. Sont en présence le père, la mère, l’ado, et l’autre, celui que l’on aime, à qui l’on parle, qui écoute, donne des conseils au vu de sa propre expérience, ou bien compatit. Nous sommes au sein d’une famille tout à fait ordinaire : le père est parti mais conserve de bonnes relations avec la mère, tous les deux n’ont qu’une envie : « le jour où tu as toi-même un enfant, tu es obsédé par l’idée de répéter les mêmes erreurs que tes parents ont faites avec toi. Alors tu t’arranges pour éviter à tout prix leurs erreurs, mais de toute évidence, tu en commets d’autres. » Rien d’exceptionnel, donc. Et pourtant dès le début les liens sont rompus et nous en sommes déjà au stade des négociations impossibles : « Le père : Je veux savoir pourquoi tu n’es pas en cours, c’est tout. / Léna : Fais pas chier. » Et la force de ce texte, là où il trouble et interroge c’est qu’il va au bout du conflit et de son impossible résolution. Dans une langue simple, directe et d’une terrible efficacité, Emanuelle Delle Piane nous emmène rapidement au bout du chemin, là où tout éclate : l’adolescente est renvoyée du lycée, accuse son père d’attouchements sexuels, puis revient sur ses déclarations. Les parents finissent par la chasser, par faire une croix dessus, comme si elle n’avait jamais existé. Et elle se retrouve dans un foyer, naviguant entre drogue et prostitution… Pas de happy end, pas de solution en vue, pas de coupable. Les parents ont fait ce qu’ils ont pu, ce qu’ils ont cru devoir faire, sans sévérité excessive, sans laxisme apparent, et pourtant ils ont échoué. Alors qu’a-t-il manqué ? : « La mère : L’Éducation, je crois. On voulait y échapper et ça nous est revenu en pleine gueule. »
P. G.-B.
LÉNA, PRINCESSE DU RIEN
D’EMMANELLE DELLE PIANE
Lansman éditeur, 36 pages, 9 €
Théâtre Léna, princesse du rien
janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°169
, janvier 2016.