C’est peut-être la dernière fois que nous entendons la voix de Jean-Claude Pirotte, disparu en 2014. Y aura-t-il d’autres textes posthumes après celui-ci ? Est-ce l’ultime ? On ne sait pas. Alors, à ses côtés, cheminons sur la pointe des pieds en terre de vin et de souvenirs. On y entre comme dans un roman, pur prétexte, en fait, à déclencher cette chose, imaginaire ou réminiscences qu’importe, grâce à quoi l’on dérive à l’envi dans le temps et la géographie. Oui, peu importe ce déclencheur trompeur, ce vrai-faux départ qui sert d’allumette à la voix. Ce qui compte c’est cette tessiture particulière, ce flux tourbillonnant, cette voix de vent, sans début, ni fin, qui se reprend ici, se répète là, donnant l’impression, envoûtante, d’une confession qui ne serait que divagation étirée, digression en mouvement, « allure poétique, à sauts et à gambades » comme disait Montaigne. Et l’on pourrait dire de Pirotte ce qu’il cite lui-même du trop méconnu Joseph Joubert (1754-1824) : « Les petits livres sont plus durables que les gros ; ils vont plus loin. Les marchands révèrent les gros livres ; les lecteurs aiment les petits. Ce qui est exquis vaut mieux que ce qui est ample… Un livre qui montre un esprit vaut mieux que celui qui ne montre que son sujet. » Dans ces pages, Pirotte dit la vie modeste des gens de peu, les rêves d’ailleurs qu’on garde pour soi, les vilains tours du désir et les détours que fait la mort pour ne pas trop vite vous faucher. À son chevet, il convoque la nostalgie d’une « intemporalité douteuse ». Il s’attarde au milieu des vignes, cette terre nourricière mais exigeante qui donne soif. Et faim, toujours, de paysage. « Et j’avais soudain conscience de ce silence en moi qui montait comme le flux d’une mémoire altérée par l’évanouissement du présent ». Anthony Dufraisse
Le silence de Jean-Claude Pirotte, Stock, 88 pages, 13 €
Domaine français Vendanges tardives
février 2016 | Le Matricule des Anges n°170
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Vendanges tardives
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°170
, février 2016.