La Moitié du fourbi N°3 (Visage)
Par un troisième opus, la revue au titre aussi intrigant qu’amusant explore le visage humain. Hélène Gaudy exhume une des plus belles figures de l’Antiquité, celle de l’éphèbe Antinoüs, jeune amant de l’empereur Hadrien, mort à 20 ans, noyé dans le Nil, dans des conditions troubles. Hadrien, fou de douleur, fit dresser les effigies d’Antinoüs sur tout son immense territoire. L’écrivain croise une photo d’une statue prise en 1894 et le texte de Marguerite Yourcenar. « Recréer celui qu’on aime, c’est un peu apprendre à le perdre. » Sylvain Prudhomme s’intéresse lui au visage de Pancho Villa, le Mexicain chapeauté, tombeur de deux tyrans. « Son visage il n’a jamais eu le temps d’y penser – et c’est ce qui le rend beau. Visage dépourvu de toute conscience de lui-même. Visage odorat, ouïe, flair. Visage renard. » Antoni Casas Ros revient sur l’acte d’écrire et de décrire. « Refuser d’avoir un visage à montrer, c’est explorer plus en profondeur les trois couches superposées d’un vrai visage. Trois moments extatiques : l’éros, la créativité et le silence intérieur d’où jaillit toute éclosion profonde. » Dans un entretien, la graphiste Agathe Lichtensztejn révèle que « Dans le selfie, au contraire, on s’extirpe de cette confrontation définitive à soi-même. On livre de soi, de son visage, un moment signifiant mais volatil, périssable, qui peut être éventuellement altéré par tous ceux qui en prendront possession. » De très beaux textes d’Anne-Françoise Kavauvea, Zoé Balthus, Sylvain Pattieu, Frank Smith, Hugues Leroy, une mise en page audacieuse (rouge orangé fluo & noir et blanc), d’étonnantes photos textuées d’Anne De Gelas : La Moitié du fourbi est une revue aussi pertinente qu’émouvante. Un très bel appel d’air. D. A.
La Moitié du fourbi N°3, 115 pages, 14 € (22, rue Pablo Picasso 93000 Bobigny)