Le fait divers constitue un monde fascinant, inquiétant, d’autant plus quand les circonstances en sont particulièrement horribles, cruelles ou exceptionnelles. Par la preuve qu’il donne de l’imagination infinie de l’être humain à inventer et mettre en œuvre le mal, par le doute qu’il génère sur notre propre capacité à le faire nous-mêmes, en montrant à quel point les « monstres » nous ressemblent, le fait divers est une mise en garde permanente. Ici il s’agit d’un crime cannibale, assez rare de nos jours. Et encore, peut-on parler de crime, puisque la victime était non seulement consentante mais a répondu à une petite annonce dont le libellé était on ne peut plus clair : « Homme cherche homme jeune et bien bâti pour être abattu puis mangé ».
C’était en Allemagne, en 2001, et l’histoire est allée à son terme. Alors, faire théâtre avec un sujet pareil semble une gageure. Comment éviter le voyeurisme, comment donner un sens à ce qui s’apparente à une épouvante ? Grégory Pluym choisit les variations. Son livre porte en sous-titre « Quatre traductions de l’affaire Armin Meiwes. » Il s’attache à une approche onirique et symbolique de l’acte. Il se promène autour pour commencer. Il évoque des repas servis dans un grand restaurant au rituel impeccable, du vestiaire où l’on pose son manteau, sa peau en quelque sorte, de la découpe au guéridon et du couteau qui s’enfonce dans la chair. Et puis l’ennui d’un quotidien qui manque singulièrement de relief, une bouche féminine peinte en rouge et dans laquelle l’homme rêve de s’enfoncer et les bruits de mastication de son père. Tout doucement, par petites touches, par cercles concentriques, l’auteur s’approche, et nous avec lui, du lieu et de l’instant du drame : un rendez-vous amoureux qui va jusqu’au bout du désir. Jusqu’à la dissolution dans l’autre, jusqu’à l’absorption du corps de l’autre. Éprouvant.
P. G.-B.
Quartett, 112 pages, 12 €
Théâtre Démêler la nuit de Grégory Pluym
novembre 2016 | Le Matricule des Anges n°178
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Démêler la nuit de Grégory Pluym
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°178
, novembre 2016.