La pièce s’ouvre sur les paroles du professeur Bork : « Sans l’avènement du cyborg, vous tirez un trait sur l’homme/ Les capacités de l’homme sont insignifiantes/ en regard de celles des machines ». D’où l’idée de créer un prototype d’homme machine. Et de faire passer des auditions pour trouver un type « sans attache, chômeur, désespéré, suicidaire, encore présentable à la télé », pour subir une trépanation avec l’implant d’un disque dur et d’un processeur dans le cortex. Pigeon porte bien son nom, c’est lui qui va être choisi. Après son opération, Pigeon va se retrouver deux, lui et La voix, qui est comme une assistante d’installation. Pigeon converse donc avec cet autre lui-même. La voix évolue. Tout d’abord technique, elle devient comme un ordinateur de bord ou un GPS, jusqu’à ce qu’un groupuscule anti-progrès pirate le disque dur de Pigeon pour faire passer des messages de résistance.
Sylvain Renard nous plonge dans l’univers fantasmatique que provoquent les nouvelles technologies. Mais plutôt que l’homme éternel ou l’homme augmenté, il choisit de faire de Pigeon un homme très vite obsolescent, qui finit dans une décharge, irréparable, car le prototype n’aura pas été commercialisé. La pièce est conçue comme une farce, entre publicité et télé-réalité. Avec l’invention d’une langue, d’une gouaille, qui donne toute sa saveur à cette pièce. Ainsi, quand Pigeon retrouve sa petite amie après l’opération, il lui raconte le risque de septicémie : « Failli passer la clenche à cause d’une septicétie/ Les médecins m’ont bourré d’antibeautiques et d’dope/ Suis plein de forme/ Tu m’politesses, j’peux pas t’baisouiller/ J’peux pas interrompre la congratulation en cours/ Ça s’installe dans le bureau/ J’risquerais le dommage d’mon dur. »
Cette pièce a été nominée pour le prix Ado du théâtre contemporain 2018.
L.C.
Pigeon cyborg de Sylvain Renard
Color Gang, 96 pages, 15 €
Théâtre Pigeon cyborg
novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°188
, novembre 2017.