Ce pourrait être une publicité tape-à-l’œil pour une croisière de rêve. Mais l’immeuble flottant fuit de toutes parts, et les premiers à se noyer sont toujours ceux qui logent en soute. Écrit d’une plume froide, directe, sans concession, Faux départ décrit le rouleau compresseur de l’université et la perte des illusions d’une jeune étudiante issue de la classe moyenne. À part elle, personne dans sa famille n’a franchi la porte de la fac. Alejandro, lui, est colombien, personnage lucide sur les raisons de sa présence : « On est fiers de notre pays mais la réussite c’est de le quitter », et de cacher à ses parents sa vie d’étudiant pauvre dans un studio miteux. Tous deux travaillent dans une entreprise de nettoyage. Leur rencontre est pour Aurélie un appel d’air, alors qu’autour d’elle tout s’assombrit. Être étudiant et boursier c’est une vie de galérien, où devoir manger et payer son loyer prend toute la place.
Marion Messina trace une ligne claire entre le monde étudiant et ses deux héros. Ils sont du côté obscur. Quand les autres se perdent dans des beuveries, eux tentent de survivre. De toute façon, « il n’y avait pas de talent ni de créativité dans la masse d’étudiants de première année ». Nulle question de passion pour le savoir. Le système universitaire laisse cela de côté au profit de ceux qui ne le remettront pas en cause. La narratrice démonte pierre à pierre le langage dominant et ses expressions sans saveur. « Il avait un bagage culturel, un minimum d’expérience de la vie (…) l’entendre parler était une fenêtre sur le monde. »
La critique a vu dans ce premier roman les tonalités d’Extension du domaine de la lutte de Houellebecq. Mais ce serait oublier derrière la dénonciation sociale, la présence magnétique d’Aurélie qui se détache sur ce décor de « l’égalité des chances ». On songe à Pomme dans La Dentellière. Moins ambiguë que l’héroïne de Pascal Lainé, Aurélie nous intrigue par sa capacité d’absorption des chocs. C’est le monde qui la traverse, ne laissant dans sa chair que son amour pur pour Alejandro.
Virginie Mailles Viard
Faux départ de Marion Messina
Le Dilettante, 221 pages, 17 €
Domaine français Faux départ
novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°188
, novembre 2017.