Étrange redécouverte que ce roman écrit en 1933 par un écrivain péruvien en exil, membre de la haute société et fils d’une des principales figures des lettres péruviennes (Ricardo Palma, peu traduit dans nos contrées). XYZ, sous-titré « roman grotesque », s’inscrit bien dans certaines préoccupations de la littérature de son époque : un imaginaire scientifique qui exacerbe les possibilités technologiques du moment et les pousse dans leurs derniers retranchements, forcément cauchemardesques. Inspiré par L’Ève future de L’Isle-Adam, préfigurant en partie L’Invention de Morel de Bioy Casares, le roman reprend la figure devenue classique du savant fou en imaginant un démiurge américain aussi prométhéen que délirant, Roland Poe, qui invente rien moins que le clonage d’actrices et d’acteurs d’Hollywood sur une île isolée du Pacifique. Employer le terme « clonage » est naturellement le produit d’une lecture contemporaine du texte, puisque le concept n’existait pas encore. Il n’en reste pas moins que ledit Roland Poe élabore sur son île renommée « Rollandie » une machinerie complexe (scrupuleusement expliquée en long et en large par l’auteur à grands coups de théories aussi exhaustives qu’invraisemblables) lui permettant de créer des doubles éphémères de Greta Garbo ou de Rudolph Valentino. Les créatures qu’il crée, quand bien même artificielles, sont absolument identiques aux originaux et en possèdent les mêmes qualités et la même histoire. Le scientifique doit alors avoir recours à des métaphores et des contes orientaux pour leur expliquer la raison de leur présence sur une île perdue loin d’Hollywood. C’est bien sûr la question morale qui est au cœur de ce roman (et qui ne cesse de lui donner encore aujourd’hui son actualité) : la vie est-elle reproductible à l’infinie, les stars de cinéma ne sont-ils que des pantins servant les appétits d’une sorte de mécène libidineux ? Notre désir de maîtrise du vivant n’est-il pas autodestructeur ? Avec un charme suranné, ce livre aborde des thèmes qui n’ont pas cessé de faire sens.
Guillaume Contré
Traduit de l’espagnol (Pérou) par Samuel Monsalve, Allia, 292 pages, 14 €
Domaine étranger XYZ de Clemente Palma
octobre 2018 | Le Matricule des Anges n°197
| par
Guillaume Contré
Un livre
XYZ de Clemente Palma
Par
Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°197
, octobre 2018.