En lisant ce roman, le premier de Mathieu Palain, 31 ans, on se disait qu’il aurait tout aussi bien pu s’agir d’un récit journalistique au long cours comme on peut en lire, parfois, dans l’un ou l’autre de ces mooks qui, ces dernières années, ont redonné de l’épaisseur psychologique et du souffle au journalisme. Ce n’est qu’à la toute fin de ces 350 pages (dont quelques longueurs) évoquant les relations difficiles – un pas en avant, deux en arrière – entre éducateurs et délinquants qu’on a compris à quel point on était dans le vrai. En annexe, l’auteur explique que son livre s’origine dans une immersion de six mois à la Protection judiciaire de la jeunesse d’Auxerre. L’expérience est trop riche, très intense, bref, matière à autre chose qu’un simple reportage : « Ce qui devait être un article, ou un livre de journaliste, est devenu un roman ». C’était donc ça, cette impression tenace de lire des histoires vraies à peine romancées… Wilfried est un de ces jeunes de banlieue pas nés sous la bonne étoile, comme le chantait à une époque le groupe IAM. Un coup de sang sur une pelouse va, engrenage et mauvaises fréquentations aidant, l’entraîner bien loin des terrains de foot. Il ne passera jamais pro, mais passera-t-il dans le camp des foutus-à-jamais, des cramés, en un mot, des irrécupérables ?
C’est toute la question que pose ce roman sans angélisme aucun, mais pas sans empathie. « Insécurité affective. Peur de l’abandon. Autodestruction » : c’est la devise qui préside au parcours chaotique de ce gamin des cités qui dévisse jusqu’à ce que quelqu’un, par affection et avec compréhension, resserre les vis de sa grande carcasse déglinguée de garçon vrillé par la vie. Cette personne c’est Nina ; plus qu’une éducatrice, c’est une rencontre, une bouée, un ballon d’oxygène. « En foyer, les éducateurs remplissent un cahier de transmission, une sorte de carnet de bord dans lequel ils notent ce qui s’est passé dans la journée ». À sa manière hyperréaliste, à l’échelle d’une jeune vie d’homme, Sale gosse est un de ces cahiers.
Anthony Dufraisse
Sale gosse, de Mathieu Palain
L’Iconoclaste, 350 pages, 18 €
Domaine français Du mauvais côté
septembre 2019 | Le Matricule des Anges n°206
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Du mauvais côté
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°206
, septembre 2019.