Ce court roman écrit par une grande nouvelliste aborde par la fiction les conséquences du mouvement #metoo. Quin est directeur littéraire dans une grande maison d’édition new-yorkaise. Vous imaginez des soirées cocktail pour lancer un auteur, un livre ? Vous voyez juste. Univers un peu clinquant qui unit dans les fantasmes le brillant de la culture et le pouvoir de l’argent. Quin, dans ce milieu tout en séduction, est comme un poisson dans l’eau. Ce grand séducteur aime se faire le Prométhée des jeunes (et moins jeunes) femmes. Ça lui vaut aujourd’hui d’être accusé de conduite « inappropriée », jugé sur la scène publique et licencié de la maison d’édition. L’histoire nous est rapportée selon son propre point de vue, mais aussi et surtout selon celui de sa meilleure amie Margot : une femme qui comprend les plaignantes, mais nourrit une réelle sympathie pour l’accusé. C’est que Quin n’est pas à proprement parler un prédateur. Le jeu de la séduction, il le mène souvent à des fins purement platoniques : séduire sans consommer, nourrir sa rêverie des possibles d’une rencontre. L’homme ne commet aucun crime : il ne viole pas, ne menace pas. Il a du charme, en use. Le lecteur alors, dans ce procès à voix douce dont il imagine la violence, est dans une position ambiguë : d’un côté il aimerait condamner Quin, d’un autre il rejette le lynchage public. La force de Mary Gaitskill est de maintenir la nuance dans une problématique qui en manque cruellement. D’une prose légère, elle nous oblige à nous poser la question : que désirons-nous ?
T. G.
Faites-moi plaisir, de Mary Gaitskill,
traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle,
Éditions de l’Olivier, 104 pages, 13 €
Domaine étranger Faites moi plaisir
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Thierry Guichard
Un livre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.