Après quinze ans sans rien publier, revoilà Pierre Filoche, 70 ans bientôt. Lui qui signait plutôt des policiers, jusqu’à participer au Poulpe (Éros les tanna tous), épouse cette fois un registre plus psychologique, plus intimiste. Dans ce récit (autobiographique ?) d’apprentissage d’un ado dégingandé, initiation aux choses de la vie et des sentiments, Pierre Filoche met en scène Paul Esnault à un âge charnière. À 16 ans, celui-ci ne sait pas encore qu’il va basculer dans l’âge d’homme au fil d’un été. Tout au long de cette histoire qui se déroule dans la maison des grands-parents maternels où il aura passé des années durant l’essentiel de ses étés, le dernier en 1964, on pense souvent à Pagnol. La Touraine n’est certes pas le midi de la France, mais tout de même, quelque chose dans cette évocation d’une vie de famille provinciale nous le rappelle. D’ailleurs, à un moment, un des membres de la maisonnée (le papy mordu de « machines modernes », la téloche, le téléphone, la radio, éléments de la transition électronique en cours…) lance pour rire : « On se croirait chez Pagnol », parce que quelqu’un imite les galéjades de Fernandel… Entre Dédé, « un peu fou-fou » depuis son retour de la guerre d’Algérie, la grand-mère toquée de « psychologie astrale », l’attirante Marie-Claire ou l’évanescente voisine Charlotte, le jeune protagoniste cherche sa place dans le monde, sur fond de suspicion… d’empoisonnements imaginaires (clin d’œil de l’auteur à son côté praticien du polar). Son corps lui envoie des signaux déstabilisants dans une période qui elle-même émet des signes de profonds changements.
Tendrement, et non sans une certaine nostalgie, Pierre Filoche traduit bien l’éveil au désir de ce tout jeune homme à une époque où les différences entre les générations vont bientôt s’accuser. Très simplement écrit, ce roman qui a le charme d’une chronique sociale remonte donc le temps, le temps d’un été, avec en bande-son les ritournelles entêtantes de Claude François et le ronronnement d’une Peugeot 403.
A. D.
Ce bel été 1964, de Pierre Filoche
Serge Safran éditeur, 190 pages, 17,90 €
Domaine français Ce bel été 1964, de Pierre Filoche
juillet 2020 | Le Matricule des Anges n°215
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Ce bel été 1964, de Pierre Filoche
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°215
, juillet 2020.