Elles sont peu nombreuses en France les maisons d’édition où art et écriture font bon ménage, conversant par retours d’échos, selon le beau titre de Daniel Payot, qui vient de paraître, inspiré par le plasticien Gérard Titus-Carmel. L’Atelier contemporain de François-Marie Deyrolle accueille des écrits d’artistes, des monographies, des écrits sur l’art, des dialogues entre créateurs. Le regard d’Yves Bonnefoy sur la peinture d’Alexandre Hollan se mêle aux correspondances de Jean Dubuffet avec Marcel Moreau ou Valère Novarina ; les propos de Francis Bacon voisinent avec le travail de la sculptrice et dessinatrice allemande Käthe Kollwitz (1867-1945). Écrire pour voir, donc. Dans la chair du visible. Le catalogue est riche : Pierre Bonnard, John Berger, Dado, Giorgio Manganelli, Christian Prigent… Il y a aussi la collection « Littérature ». Des proses aux formes mouvantes, autre lieu d’incubation. Des affinités s’y dessinent : Odile Massé, Jacques Moulin, Bruno Krebs, Claude-Louis Combet. Né en 1966, François-Marie Deyrolle est diplômé de l’École du Louvre. Après avoir créé l’enseigne Deyrolle éditeur à l’âge de 24 ans (une centaine de titres au catalogue), il a ensuite dirigé des agences régionales du livre, puis la Bibliothèque des musées de Strasbourg. Nul doute qu’éditer, pour lui, est une vocation, doublée d’une magnifique épreuve d’endurance.
L’Atelier contemporain célèbre depuis 2013 les noces toujours recommencées de la littérature et des arts plastiques. Êtes-vous un homme de l’image converti à la lettre, ou le contraire ?
J’ai aimé le livre dès mon enfance, mais, je l’avoue, plus l’objet que sa lecture. Et les arts visuels, oui, assez jeune aussi, m’ont fasciné. Je me suis donc, jeune homme, tout naturellement orienté vers ce domaine d’étude – mais j’ai été rapidement déçu, frustré, par les approches des historiens de l’art, car ces écrits, à de rares exceptions près, ne me disaient rien de la création, de son mystère, de ses enjeux, de ses ressorts, jusqu’au moment où un ami m’a conseillé de lire les écrits sur l’art de Paulhan, Ponge, Reverdy, Baudelaire, Diderot…, bref d’aller lire ces « écrivains d’art », comme on disait autrefois. J’ai trouvé là ce que je cherchais : des sensibilités et des prises de risque formelles en écho parfait avec leurs sujets. Ce n’est pas pour rien que ma collection dite d’« essais sur l’art » est constituée essentiellement d’approches littéraires. Marcel Cohen, Maryline Desbiolles, Nicolas Pesquès, Christian Prigent, pour citer quelques auteurs de livres que j’ai publiés, essaient de restituer dans le corps même de leur langue l’expérience intime des œuvres auxquelles ils se sont confrontés. J’ai le sentiment, là, d’approcher ce qui m’interroge : que se passe-t-il quand il y a basculement d’une œuvre en une « œuvre d’art ». J’essaie d’interroger ce qu’en d’autres temps l’extraordinaire éditeur Albert Skira, avait appelé « les sentiers de la création » (nom d’une...
Éditeur Chemins ouvrant
mars 2021 | Le Matricule des Anges n°221
| par
Philippe Savary
Fondé par François-Marie Deyrolle, L’Atelier contemporain noue un dialogue fécond entre art et littérature. Une collection de poche voit le jour.
Un éditeur