Tout apparaît modeste chez la romancière japonaise Yoko Ogawa, née en 1962, dont voici le vingt-sixième livre traduit. En ces Petites boîtes, les sensations et les êtres ont quelque chose de ténu. La narratrice, vivant dans une ancienne maternelle, n’y a rien modifié : elle vit parmi les meubles minuscules. Les concertistes font jouer le vent d’ouest dans des instruments miniatures, parfois « d’os humain », pour retrouver « la voix des enfants morts », dont des lyres aux cordes faites de leurs cheveux.
Sa vie est consacrée à déchiffrer ce que lui apporte le chantant « Monsieur Baryton » : « les lettres de son amoureuse », dont les caractères s’amenuisent jusqu’aux « ténèbres des lettres ». De surcroît, comme une sorte de thaumaturge, elle est la gardienne de mémorielles boîtes en verre « destinées à conserver le futur », « pour qu’une âme d’enfant grandisse dans l’au-delà ». Autour de ce mausolée, le récit part en étoile, observant la destruction de la vieille maternité, l’abandon du musée, auprès des parents qui viennent se recueillir et offrir à leurs rejetons perdus des cadeaux appropriés et des jouets, dans la direction d’un artiste qui, comme Cornell, concevait des boîtes, ou de « Monsieur Carie », l’ancien dentiste qui fabrique les lyres, d’une coiffeuse… Le récit est une ode à la cristallisation vivante des souvenirs.
Une imagination poétique, une musique animent le subtil roman d’amour de Yoko Ogawa, où l’on devine l’attention de la traductrice. Tout est en délicatesse, et même si l’on glisse vers les rivages du fantastique, voire de l’effroi et du morbide, un apaisement profond empreint ce « cabinet d’écriture pour la sérénité ».
Thierry Guinhut
Petites boîtes
Yoko Ogawa
Traduit du japonais par Sophie Refle
Actes Sud, 208 pages, 21 €
Domaine étranger Petites boîtes, de Yoko Ogawa
mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Petites boîtes, de Yoko Ogawa
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°231
, mars 2022.