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Théâtre Cellule familiale

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Chloé Brendlé

Dans Proches, Laurent Mauvignier montre les préparatifs fébriles d’une réunion un peu particulière. L’occasion renouvelée pour le dramaturge et romancier d’ausculter les empêchements intimes.

Yoann est en route. Cela fait quatre ans que six personnages plus un l’attendent. Ce sont leurs retrouvailles, aujourd’hui, que nous promet la nouvelle pièce de théâtre de Laurent Mauvignier. Ils se rassembleraient, le fils revenu, les parents, les sœurs et leurs compagnons. Ils se diraient leur joie d’être enfin réunis, tout ce qui s’est passé entre-temps, les petits comme les grands événements, et ce qu’ils n’ont jamais réussi à se dire. Ils se mettraient à table.
En 2016, dans Une légère blessure, c’était une femme un peu hautaine, qui préparait le couvert avec une assistante muette, et nous servait un monologue, le monologue qu’elle n’oserait pas servir à ses invités de parents. Dans Proches, mis en scène par l’auteur lui-même (créé au théâtre de la Colline en septembre), les personnages se parlent, mais le dialogue est souvent manqué. La famille apparaît comme le fantasme d’une synchronie là où chacun a son propre rythme ; à l’image du repas, personne n’est jamais à l’heure, et quand l’un rêve (ou cauchemarde) de pouvoir dire ce qu’il ou elle porte en soi depuis longtemps, cela dérape, déborde, échappe : on dit autre chose, ou ce que l’on voulait bien dire mais pas à la bonne personne, les autres n’entendent pas ou parlent par-dessus. Bref, il s’agit presque toujours d’autre chose, et il n’y a jamais de bon moment. C’est ce que disent à leur manière la mère et la benjamine, avec leur ironie et leur franc-parler, se répondant à quelques scènes d’intervalle : d’abord, « Le moment ? Le moment “idéal” ? Le moment “fatal” ? C’est ça ? Le moment “crucial” ?… Et ce sera quand le “moment” ? », puis « Fermer sa gueule, ça, par contre, c’est toujours le bon / moment. »
Mauvignier prête au moins autant d’attention à la circulation du langage qu’à son message lui-même : bien sûr il y aura des drames et des révélations, des insultes aussi, mais le drame de la pièce, comme de beaucoup de ses livres, est surtout celui de l’adresse de la parole. L’insistance des personnages sur le verbe « dire » – pour savoir qui a dit quoi à qui ou pour mettre en valeur un propos qui a choqué – en témoigne et rappelle les pièces de Jean-Luc Lagarce, notamment Juste la fin du monde. Les nombreuses répétitions et l’espèce de boitement langagier des personnages y font penser, ainsi que le personnage de Yoann, revenant parmi les siens et comme empêché (le « cri d’un muet »). Dans la confrontation des paroles et des silences, Laurent Mauvignier donne à entendre autrement les expressions galvaudées (se retrouver, « tout vient à point à qui sait attendre », « C’est rien »), fait résonner « famille » et « famine ». Il déplace aussi l’univers de la prison, évoqué plusieurs fois, dans celui de la maison ; la cellule devient familiale et à une lettre près, les « proches » refont le « procès » de Yoann, mais aussi des autres. Le « parloir » concret où certains se sont vus devient le parloir de la réunion familiale – et un mot symbolique peut-être pour désigner les discours affrontés des personnages dans l’œuvre entière de l’auteur.
Entre intimité et inimitié, affection et désamour, proximité et éloignement, Mauvignier continue ainsi d’exposer les contradictions des sentiments familiaux. Dans le sillage de ses premiers titres, Loin d’eux, Ceux d’à côté, Seuls, Le Lien, Proches dépeint avec justesse un terrain connu et pourtant émouvant. Où les enfants reprochent à leurs parents de ne pas avoir su tordre le cou à l’ordre du monde, les parents l’ingratitude de leurs enfants – et où la fête ne peut commencer qu’une fois qu’elle a été gâchée.

Chloé Brendlé

Proches
Laurent Mauvignier
Éditions de Minuit, 121 pages, 15

Cellule familiale Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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