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Domaine français Perle des Antilles ?

novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248 | par Dominique Aussenac

En exil dans son propre pays, Gary Victor témoigne, en Buster Keaton créole, sa solidarité au roman pour dénoncer et résister à l’effroi.

Pays maudit rime avec Haïti. Après les colonisations, la flibuste, l’esclavage, les dictatures, la corruption, les séismes, les épidémies, la Première République noire est aujourd’hui un État à la dérive, gangrené par les gangs qui s’y affrontent. « C’est un pays failli. La réalité déborde dans la fiction. Et en pays failli, on se bat pour survivre. Car il n’y a plus les uns et les autres, nous sommes dans le même effondrement empuanti », confiait Gary Victor à Libération en septembre dernier. Lui qui fut chassé il y a quelques mois de son quartier de Carrefour-Feuilles à Port-au-Prince avec 5000 autres personnes par la violence de bandes armées le réincarne ici, à hauteur d’enfance, cinquante plus tôt.
Nous sommes dans les années 1970, sous la dictature, jamais nommée, d’un Duvalier. Les Tontons macoutes, sbires du pouvoir contrôlent les rues et la population. Adrien, 14 ans, s’extrait des brumes de l’enfance et rêve de violon. Ni son père, professeur bigame et opposant politique, ni sa mère qui l’élève seule, n’ont les moyens de le lui offrir.
Roman d’initiation, Le Violon d’Adrien conte les mille péripéties du jeune musicien pour l’acquérir, notamment les manipulations dont il sera victime de la part de congénères et surtout d’adultes qui profiteront de sa candeur. Marionnette véhémente, mais désarticulée, il est brutalement projeté dans un monde où merveilleux, découverte de la sexualité, fausseté, violence et intrigues règnent en maîtres. Ainsi Decayou, vieil aède, fou de Cervantès, lui demande d’apprendre un poème qu’il doit lire à une femme nue dont le sexe révélera la combinaison gagnante de la loterie. « Il était nécessaire de m’imprégner au maximum de l’esprit du texte. C’était une ode au sexe féminin. Il n’y avait rien de trivial dans le poème. L’auteur arpentait la nature pour dire son émerveillement devant la beauté du sexe féminin et, pour la première fois, j’eus une énorme érection en lisant, puis en récitant ces vers. »
Plus réaliste, moins lyrique qu’un Lyonel Trouillot, même si la magie et le fantastique agitent le roman, Gary Victor montre comment une société continue à vivre et à résister malgré une répression tentaculaire. Épique, il rend hommage à une littérature d’aventures dite populaire : Alexandre Dumas, Paul Féval, Michel Zévaco, dont la mère du héros est gourmande. Orfeu Negro, la Mort y cavale dans des mises en scène et des atours hallucinants. « Des femmes tout de noir vêtues apparurent soudain, surgies aussi je ne sais d’où. Elles étaient une vingtaine. Elles s’avancèrent à la file indienne, l’air farouche, chacune un poignard en main. Devant le cercueil, l’une à la suite de l’autre, elles plongèrent leur lame dans le cadavre. » La galerie de portraits, bariolée, extravagante, ne se révèle jamais manichéenne. Les méchants y font certes preuve de cruauté et de violence aveugle. Mais si la dictature écrase et corrompt les êtres, certains conservent valeurs et sentiments. Forcés à combiner, louvoyer, ils font preuve de compassion et de soutien envers le jeune ado comme si l’exubérante force de vie du peuple haïtien lui permettait de développer une résilience aussi forcenée que pathétique. Le rire tonitruant, le burlesque, une oralité puissante très imagée, mâtinée de créole, de rites vaudous, de culture gréco-romaine et de littératures ainsi que l’amertume des larmes y contribuent. Adrien traversera les strates de la société, des bas-fonds jusqu’aux sphères du pouvoir et ses courtisans, métamorphosé en messager tantôt Éros, tantôt Orphée, pour finalement se retrouver berné. Quant au violon…
Auteur prolixe de romans, nouvelles, pièces de théâtre, scénarios de films, Gary Victor, 65 ans, dans l’adversité, ébranle et enchante toujours.

Dominique Aussenac

Le Violon d’Adrien
Gary Victor
Mémoire d’encrier, 192 pages, 19

Perle des Antilles ? Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°248 , novembre 2023.
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