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Domaine français Cours, camarade…

mars 2024 | Le Matricule des Anges n°251 | par Jérôme Delclos

L’agit-prop, des luttes, l’arnaque aux banques, la clandestinité : Allèssi Dell’Umbria retrace l’épopée urbaine d’Os Cangaceiros.

Allèssi Dell’Umbria s’était fait remarquer en 2006 avec son Histoire universelle de Marseille (Agone), belle saisie de l’universel de la domination à partir du local. Échos du Mexique indien et rebelle (Rue des Cascades, 2010), R.I.P. Jacques Mesrine (Pepitas de calabaza, 2011), ou le récent Antimatrix (La Tempête, 2021), s’inscrivaient dans cette même ligne à laquelle ne déroge pas « Du fric ou on vous tue ! » (un titre-citation : une inscription en 1980 sur un mur marseillais). L’auteur y raconte la bande de sa jeunesse, baptisée Os Cangaceiros en hommage aux « bandits d’honneur du Nordeste brésilien », depuis sa fondation basée en 1984 sur le refus du travail, jusqu’à sa fin en 1992. « Nous formions une libre association d’individus libres (…) et d’individus assez dessalés, certains depuis le début des années 1970. Plusieurs d’entre nous avaient connu la prison, en tant que droits communs, des peines courtes et moyennes ». Venus d’un peu partout en France, ils se réunissaient dans un squat parisien. La bande, tout au long de son existence, compta pour son noyau dur une douzaine de personnes, plus « une vingtaine (…) pour des associations ponctuelles, qu’il s’agisse de rançonner les banques ou de mener des actions publiques ».
On pouvait craindre un récit de vétéran avec ce que cela charrie de nostalgie et de narcissisme, mais le livre vaut mieux. Il éclaire une tranche d’histoire de la France du XXe siècle assez peu connue, celle qui a vu dans les années 1970-1980 se mêler un certain activisme politique indépendant des partis et groupuscules, et une délinquance enragée mais aussi éclairée (Jacques Mesrine, Charlie Bauer, en sont de bons exemples). À partir de là, il décrit, dans le temps de la désintégration de cette forme hybride et éphémère, le basculement rapide, à partir du mitterrandisme, de l’époque d’alors dans la nôtre qui certes rompt avec elle mais aussi, de façon plus secrète, malgré tout en hérite, y compris dans ses luttes : gilets jaunes, retraites, « émeutes ». À ceci près que « Les cabines téléphoniques ont disparu au profit des smartphones, les documents d’identité sont plastifiés et munis d’une puce électronique », etc. : on mesure tout l’écart entre ces années-là, où la clandestinité était encore possible, d’avec notre présent sécuritaire et sous surveillance.
Celles et ceux qui ont connu ou au moins approché la mouvance radicale d’il y a un demi-siècle y retrouveront bien des traits familiers, qu’il s’agisse des musiques omniprésentes, des combines et arnaques, du climat du collectif dans sa spontanéité. Si nostalgie il y a chez Dell’Umbria, elle tient surtout aux amitiés, et à l’émotion qu’il éprouve encore au souvenir des disparus, ou de leurs proches. La description des méthodes d’escroquerie aux chèques laisse rêveur : artisanat et bricolage, quand aujourd’hui personne ne peut plus voler la banque comme le faisaient en douceur les Os Cangaceiros (rien à voir avec « le Milieu » : « Nous n’avions rien à faire avec des gens qui s’adonnaient à des activités aussi infectes que le proxénétisme ou le narcotrafic. Et qui plus est, osaient afficher une respectabilité bourgeoise »).
Qu’il s’agisse de la critique de la gauche des partis et des syndicats (un « racket politique »), du récit des luttes dans les usines et les prisons, de réflexions sur la façon dont a été détruit par « le parcage des supporters » un mouvement naissant de révolte « hooliganiste » autour du foot, ou de digressions sur la « religiosité populaire » et la puissance critique des « mouvements millénaristes », l’auteur livre une « célébration du passé » qu’il voudrait au service d’une « célébration du lendemain ». L’excipit, en forme de bilan, est d’humeur pensive : « Chacun à notre manière, nous sommes restés pris par la révolte et l’inquiétude qui nous habitaient alors ».

Jérôme Delclos

« Du fric ou on vous tue ! »
Allèssi Dell’Umbria
Éditions des mondes à faire, 170 pages, 16

Cours, camarade… Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°251 , mars 2024.
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