Jeune homme marié malgré lui, sœur recluse dans les tâches domestiques, femme malmenée dans sa chair, enfant étouffé par une mère abusive, humiliés, oubliés… Qu’ils s’appellent Nejib, Sanaa, tout simplement « Elle » ou même « Je », les personnages des douze nouvelles de Cécile Oumhani essayent tous d’échapper à leur misérable destin tracé par les autres.Dans chaque histoire de Fibules sur fond de pourpre, individu et collectivité sont renvoyés dos à dos.
Courbés sous le poids du fardeau infligé par la communauté -qu’il s’agisse de la famille ou de la société- et niés dans leur existence propre, les héros se révoltent et connaissent finalement la libération, au prix de la solitude, du rejet, de la folie ou de la mort.
La préface, signée Amina Saïd, trace fort logiquement un parallèle avec le film Les Silences du palais de la Tunisienne Moufida Tlatli. On y retrouve les mêmes souffrances rentrées, le même portrait d’une société traditionnelle très pesante, les regrets, la nostalgie du passé et le thème central du mariage.
Reste que le livre de Cécile Oumhani résonne du cri de tous les oubliés.Ici les femmes n’ont pas l’exclusivité de la douleur.C’est d’ailleurs un jeune homme qui est au centre de la plus belle nouvelle du recueil, Le Pari. Solitaire et meurtri par le regard méprisant de Neïla et des autres, Nejib va défier leur arrogance à la nage et choisira l’eau comme ultime fuite.Illustration tragique de la différence, ce texte rappelle les dernières pages du roman de Jack London, Martin Eden, où le héros se laisse engloutir par les flots pour fuir la communauté des hommes dont il se sent incompris.
Les éditions Encres Vagabondes qui publient ici les nouvelles d’une de leurs collaboratrices nous font découvrir, derrière la critique sociale, une langue dense et lumineuse. Écrivain d’origine maghrébine, Cécile Oumhani s’inscrit dans cette veine très sensuelle de la littérature orientale.
Fibules sur fond de pourpre
Cécile Oumhani
Encres Vagabondes/
Le Bruit des Autres
115 pages, 50 FF
Domaine français La révolte des oubliés
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
La révolte des oubliés
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°16
, juin 1996.