La publication d’I.N.R.I. de Léon Cladel constitue un événement important. D’abord parce qu’elle exhume la figure d’un romancier négligé, ensuite parce qu’elle restitue dans son intégrité un texte littéraire majeur sur la Commune de Paris (1870-1871). Son auteur est le fils d’un bourrelier du Quercy né en 1835. Lors de l’insurrection, il est gratte-papier à la préfecture de la Seine. Il avait débuté en 1860 avec Les Martyrs ridicules préfacés par Baudelaire, fut qualifié de « Rural écarlate » par Barbey d’Aurevilly et obtint le succès en mettant sa plume au service de l’Art social. Inspiré par la défaite française contre les Prussiens à Sedan et sa conséquence, la Commune, I.N.R.I. fut rédigé à chaud dès 1872. C’est un hommage ardent aux révolutionnaires écrasés par Thiers, un manifeste courageux voire périlleux. En fait, la première édition du texte paraît en 1931 tronquée et posthume (Cladel est mort en 1892) grâce à Lucien Descaves, Henri Poulaille et la fille de l’auteur, Judith Cladel. Tout lyrisme déployé, I.N.R.I. retrace la révolte des citoyens de Paris face à la suffisance de la France des départements et sa crainte vis-à-vis du monde ouvrier. En peignant la destinée tragique du couple de l’officier Jacques Râtâs et de la suffragette Urbaine Hélioz, Cladel décrit les colères et les espoirs du petit peuple conduit à l’abattoir par des hommes politiques trompeurs et des chefs militaires incompétents. On sait comment finit l’affaire : dans un bain de sang que Cladel transforme en apothéose baroque. Comme le prophète, Râtâs est cloué sur la croix. Sur celle-ci sont tracées les lettres I.N.R.I. (Iesus Nazarenus Rex Iudeorum) qui ne signifient plus « Jésus de Nazareth roi des Juifs » mais bien « Napoléon l’ordonnant, la République périt ». Romancier au mot amer, Cladel force le trait. Outre les répétitions que l’éditeur de 1931 avait supprimées, on trouve aux heures chaudes du récit toutes les outrances du langage populaire mais aussi, et c’est plus étonnant, des tirades enflammées
I.N.R.I.
Léon Cladel
édité par Luce Czyba
Editions du Lérot
349 pages, 290 FF
Histoire littéraire Le Christ aux barricades
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Éric Dussert
Un livre
Le Christ aux barricades
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.