Prestidigitation de tournures, clichés sortis de la manche, (…) accouchés du pavillon de chair après trajet de poignet à osselets le long du nerf syntaxique". Si c’est ainsi que Claude Ollier décrit la prose de son personnage, la lecture de Missing, son dernier roman, est aussi à cette image.
Sur fond de Canada désert et enneigé, Ollier relate les errances de deux hommes, l’un au crépuscule et l’autre à l’aube de sa vie. Frost, illustre reporter des années cinquante, « circulant encore, inépuisable, mais chacun sait que c’est l’immobilité qui épuise », se livre durant son voyage solitaire à son introspection. Cet homme ambivalent et mystérieux ressasse ses souvenirs, sa carrière et les rouages qui le menèrent à son lointain succès. Car « il avait su très jeune l’illusion de tout choix : les choix rôdent autour de vous, s’acclimatent, vous testent, vous investissent ». Un concours de circonstances met sur sa route Fahan, « un jeune homme passant par-là sans la moindre prémonition de rencontre fatidique où croisée des destins ». Admirateur de longue date, celui-ci se propose de rédiger la biographie de Frost, et le présente à son amie. Une histoire brève et atypique se noue entre la jeune femme et le journaliste, bouleversant radicalement le cours des choses. Frost ayant manifestement disparu, le couple va partir à sa recherche, au milieu d’un Grand Nord hostile, où seuls se dressent des panneaux « missing », indiquant par dizaines le signalement d’enfants perdus.
Le récit bascule rapidement, pris en charge par Fahan, désormais seul, qui quarante ans plus tard tente de saisir la vérité. Entre réminiscences, nostalgie, et blizzard, Claude Ollier signe un ouvrage juste et sensible, où ses qualités de plume se manifestent brillamment.
Missing
Claude Ollier
P.O.L
179 pages, 90 FF
Domaine français Perdu de vue
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Nathalie Dalain
Un livre
Perdu de vue
Par
Nathalie Dalain
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.