Christian Bachelin ouvre l’une de ses boîtes à souvenirs. Il l’a intitulée Atavismes et nostalgies parce que ce poème est une évocation de son histoire personnelle (nostalgie) et des figures familiales de son père noyé (atavisme), de sa mère et de sa femme disparues. Sa partition est douloureuse mais il la décline en « bonheur nostalgique », « fermentation des impressions » pour soulever d’« imperméables amnésiques » et aboutir dans les Butoirs rouillés de la mémoire, titre d’un autre recueil.
On devine quel poète il est dès ses premiers mots. Pudique emballeur, il fait le coup de poing avec des images puissantes mêlées parfois de fatrasies complices, des images franches qui se gravent vite dans l’esprit : « Le cambouis se méfie des marteaux », l’oublierait-on ?
Après neuf volumes de vers et une première prose, l’admirable Soir de la mémoire (Méréal, 1998), il fait de désastreux constats et s’assure de « ne plus être en tout que le moindre fait divers ». De tels mots d’échec attirent le soupçon sur une existence terrible et sa corollaire, la solitude. Aujourd’hui fantomatique, Christian Bachelin est né en 1933 à Compiègne. Il fut enfant de troupe avant d’occuper de petits boulots jusqu’au début des années 1990. Après c’est la déroute, il est « englouti dans un tourbillon immobile » dit son ami Yves Martin qui le comparait à Strindberg. Retiré du monde, il n’écrit plus et publie quand il le peut ses poèmes dont la forte charpente, la portée lyrique ou musicale, l’éclat d’évidence lui offrent d’équitables opportunités. Celle, notamment, d’entrer au catalogue de l’éditeur-typographe Jean Le Mauve qui a fait d’Atavismes et nostalgies une authentique merveille. On n’en dira pas autant de Butoirs rouillés de la mémoire littéralement saboté par un éditeur indélicat. Fort heureusement, la poésie de Bachelin ne se dissout pas dans les coquilles. Elle mérite néanmoins beaucoup d’attention. Le message vaut aussi pour les lecteurs.
Christian Bachelin
Atavismes et nostalgies
L’Arbre éd.
(7, rue d’Hameret, 02370 Aizy-Jouy)
Butoirs rouillés de la mémoire
La Bartavelle
43 et 128 pages, 60 et 100 FF
Poésie Le poète et les fantômes
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Éric Dussert
Des livres
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, octobre 1999.