On appelle « pauvre » quelqu’un « dont le revenu est inférieur au demi-revenu médian » (j’avais d’abord entendu « mendiant ») c’est-à-dire quelqu’un qui gagne moins de six cents euros par mois chez nous aujourd’hui, traduit ensuite le spécialiste Denis Clerc. Mais aussi pour les SDF qui travaillent par exemple il existe le terme barbare de « working poor » et c’est précisément celui qu’emploie Claire Pouly sur les ondes de France Culture dans l’émission « Économie en questions » un soir de novembre dernier où l’on posait celle de savoir pourquoi est-on pauvre dans un pays riche. Combien de working poor en France ? Et qui sont-ils ? On apprendra que sur le plan économique pour les seniors ça peut aller (en général évidemment) mais pour les jeunes les femmes les étrangers (toujours en général) point de vue éco c’est moins OK que KO. (Pour un peu je composais un blues hep hop ou une petite chanson mais non). Savez-vous comment on dit en économie « couple ayant deux enfants de moins de quatorze ans » ? On dit « deux virgule un (2,1) unités de consommation ». Entendez : un des deux parents compte pour cent (100) %, l’autre membre du couple (ne parle-t-on pas de la « moitié » ?) pour cinquante (50) % (parce qu’on ne paye qu’une fois loyer et factures etc.) enfin les moins de quatorze ans ne comptent que pour zéro virgule trois (0,3) %… « La pauvreté n’est pas que monétaire… » Père Noël, non, Pierre-Noël Giraud, l’autre spécialiste invité, intervient ici pour préciser que les choses sont différentes sur le plan international : en effet est pauvre alors « qui gagne moins de deux dollars par jour » et l’auteur de L’Inégalité du monde d’ajouter qu’« on n’est pauvre que par rapport à des riches. » Bon. Et noir que par rapport à des blancs. Boom boom boom boom. Quand Denis Clerc reprend la parole et déclare que « La hantise des Américains, c’est qu’on donne trop aux pauvres (…) et que les pauvres exploitent les riches » je décroche dans un mouvement d’humeur et j’éteins. Vais voir si ce cher PAG n’aurait pas des fois bala
Quelques semaines plus tard lors de la messe de Minuit donnée à Notre-Dame de l’Espérance d’Ivry-sur-Seine et transmise en direct sur RTL le Père, un prêtre ouvrier inspiré, éloquent, insiste sur le fait que « le dieu auquel croient les Chrétiens est un petit enfant pauvre ». Oui. Mais encore un « bébé potelé », mais aussi un supplicié cloué sur sa croix : deux images, deux icônes opposées de la figure du Christ dont Jean-Claude Carrière a offert sur Inter un portrait sensible et personnel comme il sait faire, gageure, en trois minutes dans sa remarquable chronique des « à-côtés ».* Ceux qui gagnent moins de deux dollars par jour, chrétiens ou pas, se trouvent bien sûr hors du coup commercial que représente l’anniversaire de JC. Ils n’ont pas non plus les moyens de souffrir du « syndrome de l’achat compulsif » dont on nous parle sur RFI le 23 décembre dans l’émission « Accents d’Europe », co-produite avec la BBC et la Deutsche Welle, et consacrée ce jour-là au problème de la surconsommation. « Il faut vivre avec son temps » déclare, sûr de lui, un crétin interviewé pour l’occasion et qui vient d’acheter un nouveau téléphone portable à sa femme (« plus luxe, plus gadget ») et compte investir bientôt pour leur fille de treize ans. N’empêche. Il y a aussi de beaux cadeaux par exemple à « Chanson-Boum ! » (émission d’Hélène Hazéra) la voix de la Bretonne Alix Quoniam, ou encore la « Veillée » proposée sur RTL : A Merry Little Christmas par Frank Sinatra, Let it snow de Dean Martin ou encore la version des Platters de Jingle Bells entre autres (programme de Georges Lang à partir de 22h). Les choses avaient, sur fond de Beatles (« because the sky is blue… ») assez mal commencé : « Qui que vous soyez vous n’êtes pas seul ce soir, RTL est avec vous. » On n’en était que plus agréablement surpris ensuite. Fêtes enfin passées (comme m’écrivit un jour Jean-Pierre Georges : « les fêtes, les fêtes…si encore c’était la fête… ») 11 janvier 2004 Michael Mc Donald doit continuer de chanter Peace, la chanson qu’il a promis de chanter tant qu’il y aurait des soldats américains sur le sol irakien. Plus près d’ici il y a eu « de la neige, donc des touristes heureux » (France Info à Annecy le 4 janvier après-midi, « journée classée orange » des éternels retours) et maintenant c’est les soldes, bref la sempiternelle rengaine. Tout ça fait une belle jambe à ceux qui gagnent moins de trois fois rien par jour.
[…]
Vous êtes tous cadavres depuis quelques ans,
Cadavres très contents,
Cadavres réclamant
Davantage de haine, de mépris, de vengeance
Pour devenir davantage cadavres.
Vous pouvez ressusciter d’entre ces morts ;
Ce n’est pas difficile
Et c’est moins ennuyeux.**
Je laisse au poète le mot de la fin. Armand Robin encore, ou tiens Antoine Emaz, invité récemment par Alain Veinstein*** :
Entendu ce matin à la radio : « La proposition plastique de
cet artiste… » L’expression fait un peu pédant, mais j’aime
bien ce que je comprends en elle. Retour sur l’idée de
risque.
Le poème comme « proposition poétique » ?
* 23-24 déc. 2003 in le « Sept-Neuf », à 7h52 en semaine. Mais l’émission s’arrête, dommage.
** Armand Robin, Les Poèmes indésirables, Le Temps qu’il fait, rééd. 1986
*** « Surpris par la nuit », France Culture, 5 janvier 2004, 22h30 pour Lichen, lichen publié aux éd. Rehauts (105, rue Mouffetard, 75005 Paris)
Entendu à la radio Vivre avec son temps
février 2004 | Le Matricule des Anges n°50
| par
Valérie Rouzeau
Un auteur
Vivre avec son temps
Par
Valérie Rouzeau
Le Matricule des Anges n°50
, février 2004.