Comment répondre à l’horreur, à la bêtise, à la misogynie la plus odieuse ? Certains ont choisi des armes destructives, d’autres, très rares, utilisent l’écriture, la poésie. Alberto Masala est l’un d’eux. Poète de l’exhortation, héritier de la tradition orale sarde, anarchiste militant (qui affirme dans la préface vouloir se démettre « de la culture occidentale en déclarant ne pas vouloir en partager la stérile et arrogante auto-célébration »), il a écrit ce recueil en réponse aux trente-deux préceptes décrétés par les talibans à l’adresse des femmes, et ce bien avant les attentats des 11 septembre et 11 mars. Si le premier de ces préceptes est relativement connu et déjà détestable, il oblige les femmes à porter le burqa (voile qui couvre de la tête aux pieds), d’autres atteignent des sommets de barbarie, comme exigeant l’amputation des doigts pour les femmes qui ont les ongles vernis, ou encore la lapidation publique pour celles qui ont des rapports sexuels en dehors du mariage. Masala n’a pas choisi d’affûter ces mots à la haine, la colère ou la contre-provocation. C’est une voix grave, douloureuse, désespérée qui conjugue chaque précepte vers un jusqu’au-boutisme soumis, suicidaire, hystérique. « Ma fille sera mère/ et moi je lui enseignerai/ comment tuer ses fils. » Beau et courageux.
Taliban d’Alberto Masala
Traduit de l’Italien par Ambre Murard
Éditions n&b (Les Souilhes 31660 Buzet-sur-Tarn), 59 pages, 11 €
Poésie Femmes invisibles
mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Femmes invisibles
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°53
, mai 2004.