Recueil de préfaces et d’articles, publié pour la première fois aux Éditions La Découverte en 1995, cet ouvrage s’organise l’on pourrait dire s’enracine autour d’un texte central qui n’est pas de Vidal-Naquet. Il s’agit en effet du journal de son père Lucien, avocat parisien et juif « déjudaïsé », tenu entre septembre 42 et février 44, alors qu’il tente d’échapper aux rets vichyssois et nazis qui finiront par les saisir à Marseille, lui et sa femme, pour les assassiner ensuite à Auschwitz. Ce témoignage est non seulement d’une grande précision historique mais recèle également, dans sa constante dignité, une émotion qui peu à peu nous gagne. Autour de ce texte s’organise alors, comme en écho, un ensemble qui tente de peser les termes de cette problématique : qu’en est-il du partage, des territoires respectifs, de la Mémoire et de l’Histoire ? En fait, l’une ne va pas sans l’autre : qu’il s’agisse de la somme historique sur le judaïsme de Simon Doubnov, de la triple réécriture, par Germaine Tillion, de ses souvenirs sur Ravensbrück, des réactions, à chaud, de Vidal-Naquet au procès Touvier, de l’entreprise de Christopher Browning tentant de comprendre comment « des hommes ordinaires » ont pu participer, la plupart sans hésitation aucune, au massacre massif et quasi quotidien des juifs ce qui importe est bien, non pas de « faire revivre, comme le veut une expression trop facile, mais de donner une place dans le monde de l’écriture » contre l’indifférence, l’oubli, ou les sinistres « assassins de la mémoire ».*
* On peut regretter, sur cette question du négationnisme, l’absence, dans les indications bibliographiques, du passionnant Fabrication d’un antisémite de Nadine Fresco (Le Seuil).
Réflexions sur le génocide de Pierre Vidal-Naquet
10/18, 342 pages, 9,30 €
Poches Mémoire et Histoire
janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59
Un livre
Mémoire et Histoire
Le Matricule des Anges n°59
, janvier 2005.