Comment était donc faite l’intelligence de ces maîtres du monde, s’ils n’ont pas vu la beauté de ces œuvres de vaincus, s’ils n’ont pas compris le devoir de les conserver ? « Malgré les apparences, cette diatribe ne vise pas la mise à sac de la bibliothèque de Bagdad. Ce qui provoquait l’ire de Camille Jullian, historien autrefois auteur d’une monumentale Histoire de la Gaule, c’était l’extinction de la culture gauloise. La langue elle-même ne put survivre à l’empire romain : légionnaires, administration et évangélisation occupèrent le terrain avec zèle et mépris, à tel point qu’au Ve siècle après J.C., il n’était plus personne pour rêvasser dans le ialon (clairière), chasser le mocos (sanglier), ou s’exclamer nati uimpi curmi da (une jolie fille, une bonne bière !). Qu’à cela ne tienne, Jean-Paul Savignac s’attelle ici à la rédaction d’un Dictionnaire français-gaulois. Il ne s’agit pas, prévient-t-il dans une passionnante préface, de céder à un » culte fanatique « des origines ou à quelque » arrogance nationaliste « ; mais n’éprouver aucun intérêt pour les habitants de la Gaule serait quand même manquer » d’une once de mélancolie « . Pour affiner ce sentiment savant, il est encore possible de découvrir certaines inscriptions (la plus longue connue à ce jour fait cinquante-sept lignes), et de persévérer dans leur déchiffrement. » Par exemple, la séquence qui était lue etic secoui toncnaman toncsiiontio, se découpe à présent en etic se couitonc namatonc siiontio, ce qui est bien meilleur ", remarque Savignac, très pince-sans-rire.
Dictionnaire français-gaulois
de Jean-Paul Savignac
La Différence, 334 pages, 30 €
Essais Mélancolie de la Gaule
février 2005 | Le Matricule des Anges n°60
| par
Gilles Magniont
Un livre
Mélancolie de la Gaule
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°60
, février 2005.