Sigila N°14 (Honte)
Beaucoup cachent des secrets que de nombreux livres ou magazines s’essayent assez vainement à élucider. Mais très peu de périodiques les étudient, comme la revue semestrielle Sigila, d’une manière transdisciplinaire et en associant ici chercheurs, littérateurs français et portugais, pour la plupart. Après avoir planché entre autres sur les confessions, les gardiens du secret, l’intime, l’équipe dirigée par Florence Lévi s’intéresse aux inter-relations entre les choses tues, cachées et la honte qu’elles génèrent. Terrible exemple que ce jeune dominicain torturé dans les années 70 par les nervis de la dictature brésilienne et qui réfugié dans une communauté religieuse en France, se pendit. Il n’avait pas parlé, mais la honte de ce qu’il avait subi, était si forte qu’il outrepassa les règles de sa religion. À travers les œuvres de Saint Augustin, Barbey d’Aurevilly, Kafka, Lobo Antunes, Rousseau ou encore les confessions faites à la psychanalyste Lya Tourn, les recherches ethnologiques chez les Mossi du Burkina Faso de Suzanne Lallemand, le travail sur « L’esthétique de la honte » dans les autobiographies d’écrivains de Stéphane Jougla, nous percevons comment ce mouvement si douloureux de l’âme-corps est un fait social, « qui à la fois nous »trahit« et peut nous faciliter les choses » comme l’explique Pierre Pachet. Et qui de plus pourrait apaiser autrui. Difficile cependant de ne plus avoir honte de nos… hontes.
Sigila N°14, 215 pages, 16 € (21, rue Saint-Médard 75005 Paris)