On ne trouvera dans ces pages ni une monographie ni un essai sur Cézanne, en cette année où l’on célèbre le centenaire de sa mort (1839-1906), mais un bouquet de réponses à la question : que fut Cézanne pour l’écrivain Hubert Lucot ?
L’écrivain profite de l’occasion pour rendre hommage à celui qu’il tient pour son « maître » (le mot est lâché dès les premières lignes), et qu’il a découvert à l’âge de 19 ans, en 1954, année durant laquelle Venise lui révèle Tintoret. Mais Lucot en profite aussi pour replonger dans son œuvre autobiographique, renouant notamment avec le geste augural du Grand Graphe, livre d’une seule page d’environ 12m2, aux allures de montagne Sainte-Victoire sur fond blanc, et dont la composition a bien sûr à voir avec la peinture. Le lecteur se trouve ainsi propulsé (mais tout en douceur) dans une flânerie qui l’entraîne d’une œuvre à l’autre, suivant en quelque sorte le devenir artistique de deux hommes qui auront eu en commun d’avoir peiné à se trouver.
Si Le Noir et le bleu révèle ce que fut Cézanne pour Lucot (un auxiliaire en quelque sorte), il ne faudrait pas en déduire pour autant que le peintre n’opère plus. Pour preuve ces lignes détachées du Centre de la France, roman qui paraît en même temps chez P.O.L, et qui recompose, de manière presque cubiste (on pourrait dire obsessionnelle), une liaison adultère vécue à Paris entre le héros-narrateur et une certaine Trèfle, que les lecteurs assidus de Lucot se souviendront d’avoir croisée ailleurs : « depuis ce matin je désire nommer le bleu du jupon froncé à la taille sur un appétissant bourrelet, un bleu attaché au Château noir de Cézanne »…
Le Noir et le bleu de Hubert Lucot
Argol, 96 pages, 18 €
Domaine français Devenir Cézanne
mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73
| par
Didier Garcia
Un livre
Devenir Cézanne
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°73
, mai 2006.