Ludovic Janvier a l’art des débuts. Il sait attaquer ses poèmes avec une phrase résistante et prometteuse : « C’est pas Mozart que je regrette/ c’est les bœufs oui c’est les bœufs ». Puis il déroule un univers écolo-rustique dans des tonalités lyriques, que le vers « brindille au bec un oiseau fend le bleu » symbolise assez bien, malgré quelques sévères « soleils crus » ou « chère crasse ». Plutôt que la poésie, se joue ici le poétique, comme peut être poétique un coucher de soleil sans que les inspirations relèvent forcément du cliché. Pour obtenir cette sensation de petit frisson esthétique, on recherche obstinément un effet de décalage : « Le pianiste se penche au bord du voyage », parfois visiblement conquis de haute lutte : « Le jour se lève sur parler ». Cependant, quand le souci de concision et de précision prend le pas, on trouve des passages qui atteignent à la justesse formelle, comme celui à propos de la petite fille somnambule « Qui venue jusqu’au bord du lit/ sans rien dire attendait têtue/ qu’on la prenne entre père et mère ».
Le je, omniprésent (surtout dans le nouveau recueil), se parle, se raconte et quelquefois se lamente sans jamais violer les règles de la bienséance, alors que le temps, la mort, et le souvenir le tourmentent. La métrique est surveillée et la prosodie cherche parfois la rime de manière insistante, tandis que le ton général, il faut le souligner, est sans prétention aucune. Ce sont là des propos donnés comme étant sans grande importance (apparente ?) ; plutôt une suite de réminiscences à la forme travaillée, motivées par un besoin personnel. Normal que le lecteur s’en trouve assez peu concerné.
Ludovic Janvier Une poignée de monde, Gallimard, 146 pages, 14,50 €, La Mer à boire, Gallimard, « poésie », 106 pages, 4,10 €
Poésie Doux Janvier
janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79
| par
Marta Krol
Des livres
Doux Janvier
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°79
, janvier 2007.