Cette correspondance s’ouvre au lendemain de la Guerre, en 1946 : Camus travaille alors à La Peste, et publie les Feuillets d’Hypnos de Char dans sa collection « Espoir » chez Gallimard. Elle se referme sur la mort accidentelle de Camus en 1959 (deux ans plus tôt, le prix Nobel a couronné son œuvre).
Ce qui séduit dans ces quelque deux cents lettres inédites (complétées en fin de volume par les textes que les deux écrivains ont écrits l’un sur l’autre), c’est l’exquise délicatesse avec laquelle ils ont correspondu. Élégance, extrême douceur, mises au service d’une amitié indéfectible, les deux écrivains s’étant rapidement considérés comme des frères (ce dont témoignent les dédicaces de chacun : « Pour vous, cher René, qui parliez en même temps que moi. Fraternellement, Albert Camus » sur un exemplaire du Discours de Suède ; « Très cher Albert, vous voici chez vous encore. Rien de meilleur pour moi. Votre R.C. » sur un tirage de tête de Recherche de la base et du sommet).
Frères, ils le furent avant de se connaître, par leur engagement politique (lutte contre le colonialisme, Résistance, refus de l’inacceptable), puis par leur œuvre respective, qui pêcha dans des eaux communes. Ils le furent aussi par leur attachement au Luberon, où Char a longuement séjourné, et où Camus devint un « Vauclusien volontaire » (retrouvant dans le ciel de Provence un peu de la grande lumière d’Alger). Des liens qui trouvèrent enfin à se resserrer quand l’un deux fut publiquement attaqué (Camus par Breton, autour de Lautréamont), ou lorsqu’un événement les affecta en même temps (le suicide de Nicolas de Staël en 1955). Au final, on tient le témoignage d’une fraternité qui donna a chacun une raison d’exister.
Correspondance d’Albert Camus-René Char
Gallimard, 272 pages, 20 €
Histoire littéraire Frères de planète
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Didier Garcia
Un livre
Frères de planète
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°85
, juillet 2007.